futur cousin Bénard[1]. Alors, au lieu de le leur interdire formellement, il exigea d’eux la promesse qu’ils ne mettraient pas leur projet à exécution avant le lendemain, et qu’ils ne partiraient pas sans l’avoir averti. Il ajouta que, en sa qualité de chef de la maison, il pourrait requérir l’intervention de la force armée, mais que tous devaient savoir combien une pareille mesure était loin d’entrer dans ses vues. Il eut enfin la maladresse de faire une allusion à la situation embarrassante où se trouvaient les militaires, obligés de sacrifier leur serment ou la liberté. Ces propos parurent odieux à Galois : les renvoyer au lendemain lui sembla une lâcheté ; les menacer de la force armée, une ridicule sottise ; il était trop décidé lui-même pour que l’apitoiement sur les soldats ne lui fît pas l’effet d’une hypocrisie. La nuit, il essaya, sans y réussir, de franchir le mur qui séparait la cour du Plessis de la rue du Cimetière Saint-Benoît[2]. Le 29, le passage qui faisait communiquer le Plessis avec Louis-le-Grand resta obstinément fermé, bien que ce fût jeudi[3] ; le soir seulement on apprit à l’École préparatoire la retraite des troupes royales sur Saint-Cloud et la formation du Gouvernement provisoire ; les élèves surent en même temps quelle part l’École Polytechnique et les étudiants avaient prise à la Révolution, et que, pendant qu’on les tenait sous clef, un de leurs anciens de l’École Normale, Farcy, avait été tué la veille sur le Carrousel à l’attaque des Tuileries. Eux seuls n’avaient été pour rien dans ces trois journées, déjà baptisées les trois glorieuses, et la liberté ne leur était rendue qu’au moment où ils n’en pouvaient plus rien faire. Jamais Galois ne sentit avec plus d’amertume que ses échecs à l’École Polytechnique avaient gâté sa vie : il prit en horreur et l’École préparatoire et M. Guigniault. Son esprit rigoureux et passionné interpréta avec malveillance toutes les démarches officielles par lesquelles son directeur accepta les faits accomplis ; après la prudence des trois jours, l’ostentation avec laquelle tous les journaux du 30 annoncèrent que M. Guigniault mettait ses élèves à la disposition du Gouvernement provisoire le fit souffrir comme une odieuse réclame ; il vit avec
Page:Dupuy - La vie d'Évariste Galois.djvu/26
Cette page a été validée par deux contributeurs.