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Je vois à leurs côtés des frères ignorantins, dont tout le mérite est de ne rien savoir, parce qu’on leur a dit que la science enfante l’orgueil, et que le paradis est pour les pauvres d’esprit. Quelle morale ! Orphée et Linus, auriez-vous jamais cru que le génie qui avait créé l’Élysée, et dans lequel Virgile vous a donné la première place, dût être un jour un titre d’exclusion, et que l’on taxerait d’orgueil l’essor de l’imagination et de l’esprit, que vous aviez cherché à exalter par des fictions propres à encourager les grands talents ? Ainsi nous avons vu dans notre siècle, Voltaire descendre au Tartare, et saint Labre monter dans l’Élysée. Et vous, philosophes, qui aviez cherché à perfectionner la raison de l’homme, en associant la religion à la philosophie, avez-vous pu soupçonner que le premier sacrifice qu’on dût lui faire, fût celui de la raison elle-même, et de la raison toute entière ? C’est cependant ce qui est arrivé, et ce que verront encore longtemps les siècles qui nous suivront. Celui qui croira, nous dit la religion chrétienne, celui-là seul sera sauvé : donc celui qui ne croira pas, sera condamné et livré aux Furies. Or, le philosophe ne croit point mais juge et raisonne ; et cependant celui qui raisonne ne mérite pas des supplices éternels : autrement la Divinité serait coupable d’avoir tendu dans la raison elle-même un piége à l’homme, et de lui avoir caché la vérité dans les rêves du délire et dans ce merveilleux que la saine raison réprouve. Mais non, tout ce qui tue la raison ou la dégrade est un crime aux yeux de la Divinité ; car elle est la voix de