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n’était pas tout ce que nous paraissent être la Nature et la force interne qui la meut ? Irons-nous chercher hors du Monde cet Être éternel et improduit, dont rien ne nous atteste l’existence ? Placerons-nous dans la classe des effets produits cette immense cause au-delà de laquelle nous ne voyons rien que les fantômes qu’il plaît à notre imagination de créer ? Je sais que l’esprit de l’homme, que rien n’arrête dans ses écarts, s’est élancé au-delà de ce que son œil voit, et a franchi la barrière sacrée que la Nature avait posée devant son sanctuaire. Il a substitué à la cause qu’il voyait agir une cause qu’il ne voyait pas hors d’elle et supérieure à elle, sans s’inquiéter des moyens d’en prouver la réalité. Il a demandé qui a fait le Monde, comme s’il eût été prouvé que le Monde eût été fait ; et il n’a pas demandé qui a fait son Dieu, étranger au Monde, bien persuadé qu’on pouvait exister sans avoir été fait ; ce que les philosophes ont pensé effectivement du Monde ou de la cause universelle et visible. L’homme, parce qu’il n’est qu’un effet, a voulu que le Monde en fût aussi un ; et dans le délire de sa métaphysique il a imaginé un être abstrait appelé Dieu, séparé du Monde et cause du Monde, placé au-dessus de la sphère immense qui circonscrit le système de l’Univers, et lui seul s’est trouvé garant de l’existence de cette nouvelle cause ; c’est ainsi que l’homme a créé Dieu. Mais cette conjecture audacieuse n’est point le premier pas qu’il a fait. L’empire qu’exerce sur lui la cause visible est trop fort pour qu’il ait songé sitôt à