(10)
Une voix qui me fait entendre
Ces épouvantables accents:
« Cesse de m’implorer : le sang et la prière
» Ne peuvent de Ratcha désarmer la colère (11),
» Quand son bras étendu sur ce vaste Univers
» Punit l’orgueil des rois et les peuples pervers.
» Ingrats Sibériens qui me fîtes l’outrage (12)
» De renier mon nom, de rejeter ma loi;
» Déshérités du Ciel, abandonnés par moi,
» Du roi blanc à jamais subissez l’esclavage (13);
» Que de l’astre du jour la féconde clarté,
» Les voiles de la nuit, et la riante aurore,
» Dans un long avenir, vous y trouvent encore.
» D’Yermak j’ai béni le courage indompté;
» Tous les siècles futurs célébreront sa gloire,
» Et le temps tombera sur sa tranchante faux,
» Avant d’effacer la mémoire
» De ses héroïques travaux.»
À ces mots foudroyants succède le silence;
Et l’éclair aussitôt, dans l’horizon immense,
Trois fois a sillonné le nuage orageux.
Malheur à nous!
LE JEUNE HOMME.
Malheur! ô destins rigoureux!
Des deux Chamans alors je vois couler les larmes;
Mais bientôt se levant, et reprenant leurs armes,
Ils suivent de ces bords les sentiers tortueux,
Et dans l’épais brouillard disparaissent tous deux.