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Une voix qui me fait entendre

Ces épouvantables accents:

« Cesse de m’implorer : le sang et la prière

» Ne peuvent de Ratcha désarmer la colère (11),

» Quand son bras étendu sur ce vaste Univers

» Punit l’orgueil des rois et les peuples pervers.

» Ingrats Sibériens qui me fîtes l’outrage (12)

» De renier mon nom, de rejeter ma loi;

» Déshérités du Ciel, abandonnés par moi,

» Du roi blanc à jamais subissez l’esclavage (13);

» Que de l’astre du jour la féconde clarté,

» Les voiles de la nuit, et la riante aurore,

» Dans un long avenir, vous y trouvent encore.

» D’Yermak j’ai béni le courage indompté;

» Tous les siècles futurs célébreront sa gloire,

» Et le temps tombera sur sa tranchante faux,

» Avant d’effacer la mémoire

» De ses héroïques travaux.»

À ces mots foudroyants succède le silence;

Et l’éclair aussitôt, dans l’horizon immense,

Trois fois a sillonné le nuage orageux.

Malheur à nous!

LE JEUNE HOMME.

Malheur! ô destins rigoureux!

Des deux Chamans alors je vois couler les larmes;

Mais bientôt se levant, et reprenant leurs armes,

Ils suivent de ces bords les sentiers tortueux,

Et dans l’épais brouillard disparaissent tous deux.