(8)
Succomba sous les coups de ce guerrier terrible?
LE VIEILLARD.
Ce souvenir encor excite mon effroi ;
Pour la première fois, trahi par la victoire,
Le grand Méhémetkoul vit ternir ses hauts faits (9);
Je l’ai vu ce combat de funeste mémoire :
Dès que de son carquois s’épuisèrent les traits,
Tout à coup enflammé d’une ardeur téméraire,
Méhémetkoul s’élance, armé d’un cimeterre,
II s’écrie : « Yermak, je ne crains point la mort;
» Donne-la moi, je la préfère
» Au déshonneur de terminer mon sort
» Dans l’esclavage et la misère. »
Notre chef, à ces mots, fond sur son ennemi;
Déjà des fers croisés l’étincelle a jailli ;
Moins brillant est l’éclair, messager de l’orage :
L’adresse, la valeur favorisent leur rage.
Mais l’acier se pliant sous l’effort de leur bras,
Les glaives sont brisés, et volent en éclats.
Soudain les deux guerriers corps à corps se saisissent;
De leurs cris menaçants les forêts retentissent ;
Le sol est ébranlé : de leurs bras musculeux,
Ces robustes lutteurs s’entrelacent tous deux,
Se heurtent tour à tour, se courbent, se redressent;
Leurs nerfs sont frémissants, leurs poitrines se pressent ;
Couverts de sang, meurtris, inondés de sueur,
La longueur du combat redouble leur fureur.
Cependant Yermak saisit son adversaire,
Et l’étend à ses pieds, dans des flots de poussière.