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Et je crois entendre crier
Une hirondelle dans l’espace.
 
Quand l’hiver chasse les oiseaux,
À la veillée on vient en troupe ;
Les filles tournent leurs fuseaux
Et les garçons battent l’étoupe.
Chez un cordier, devenu grand,
J’ai tourné la roue à mon aise,
Et depuis je suis tisserand,
Et le serai tant qu’à Dieu plaise.
 
Des deux pieds battant mon métier,
Je tisse, et ma navette passe,
Elle siffle, passe et repasse,
Et je crois entendre crier
Une hirondelle dans l’espace.
 
Tendre une chaîne et l’ajuster
Étampé contre la poitrine,
Nouer ses fils et les compter,
C’est minutieux, j’imagine :
Au fond des caves, le travail
Est plus beau, la toile est moins raide ;
On perd la vue à fin de bail,
Les lunettes sont un remède.
 
Des deux pieds battant mon métier,
Je tisse, et ma navette passe,
Elle siffle, passe et repasse,
Et je crois entendre crier
Une hirondelle dans l’espace.
 
Encor, si je tissais en l’air,
Comme fait ma sœur l’araignée,
Sans ma lampe j’y verrais clair ;
Mais bah ! ma vie est résignée,
Il faut des voiles au vaisseau,
Aux morts des linceuls, aux fillettes
Qui me commandent leur trousseau
Des draps de lit et des layettes.