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LA CHANSON DU BANQUET


21 février 1848


Un temps d’arrêt suspend la destinée :
Qu’est devenu le mot d’ordre en avant ?
Nous naviguons la poupe retournée ;
Le vaisseau flotte en un calme énervant.
Les intérêts ont fait la nuit si noire !
Quatre-vingt-neuf n’est qu’un rêve aujourd’hui ;
Quand on y songe, on a grand’peine à croire
Qu’un tel soleil sur notre France ait lui !

La France dort, mais n’est pas morte ;
Elle a des sursauts en dormant.
Le fruit divin que son flanc porte
Va mûrir pour l’enfantement.

Nos trois couleurs dont la teinte est salie
Ne disent rien aux yeux des nations :
Suisse, Pologne, Allemagne, Italie,
Faites sans nous vos révolutions.
En d’autres temps, la France tout entière
Se fût levée à la voix du tribun ;
Et nos fusils n’ont passé la frontière
Que pour servir à l’ennemi commun.

La France dort, mais n’est pas morte ;
Elle a des sursauts en dormant.
Le fruit divin que son flanc porte
Va mûrir pour l’enfantement.

Noir ennemi dont l’engeance pullule
Quand on la croit étouffée à jamais ;
Perçant toujours cellule sur cellule,
Il mine tout de la base aux sommets ;
Sa mission sur terre est de détruire,
Et d’obscurcir la céleste clarté ;
Il asservit, et pourtant fait bruire,
Cocarde au front, le mot de liberté.