LE CHANT DES TRANSPORTÉS
Pendant que sous la mer profonde
Les cachalots et le requin,
Ces écumeurs géants de l’onde,
Libres, dévorent le fretin,
Nous autres, cloués à la rive
Où la bourrasque a rejeté
Notre barque un instant rétive,
Nous pleurons notre liberté.
Et cependant, ô sainte République,
Quoique aujourd’hui de ton pain noir nourri,
Chacun de nous pour ta gloire eût péri
Et mourrait encor sans réplique ;
Nous le jurons par l’Atlantique,
Par nos fers et par Saint-Merry.
Les goélands à l’aile grise,
Les hirondelles de la mer,
À leurs petits, aux jours de brise,
Apprennent le chemin de l’air ;
Nos enfants ont perdu leur guide,
Peut-être n’ont-ils plus d’abri,
Et la mère à leur bouche avide
Ne présente qu’un sein tari.
Et cependant, ô sainte République,
Quoique aujourd’hui de ton pain noir nourri,
Chacun de nous pour ta gloire eût péri
Et mourrait encor sans réplique ;
Nous le jurons par l’Atlantique,
Par nos fers et par Saint-Merry.