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sippe Moreau avait pleuré ? Comment de l’éducation du vieux prêtre, naïve mais un peu vague, ai-je passé à la lecture de ce doux maître de la souffrance qui m’a fait aimer la nature, l’amour et la liberté, choses que vous laisse trop ignorer l’éducation d’autrefois.

Je ne sais, mais depuis, les sympathies ne m’ont pas fait défaut : on dirait que l’ombre consolatrice du poëte mort m’a fait trouver ce chemin des cœurs et des oreilles dont il était peu soucieux, ne devant plus périr dans la mémoire des hommes.

Mes chants rustiques ont trouvé des échos et ont ouvert le passage aux refrains sociaux ou politiques : qui donc pourrait m’en accuser ?

Le mouvement de Février, que l’on nie aujourd’hui avec la sincérité des Juifs qui demandaient un miracle, n’a-t-il pas été prévu par tout le monde ? Mes chants qui lui sont antérieurs, et qui le pressentent, n’ont fait que traduire l’impression laissée dans tous les esprits par le spectacle des événements. Si la chose fut une surprise, comme il est de bon goût de le dire aujourd’hui à la face de l’histoire, comment l’avènement définitif de la démocratie a-t-il pu être prédit par Chateaubriand même, sans parler de Pierre Leroux, Lamennais, Lamartine et Proudhon ? Comment le profond et spirituel Balzac, dans un roman daté de mai 1840, met-il dans la bouche de son héros Z. Marcas, un ambitieux conservateur, des prévisions aussi nettes :

« Je ne crois pas que dans dix ans la forme actuelle subsiste. »

« La jeunesse éclatera comme la chaudière d’une machine à vapeur… Quel sera le bruit qui ébranlera les masses, je ne sais ; mais elles se précipiteront dans l’état de choses actuel et le bouleverseront. Il est des lois de fluctuation qui régissent les générations, et que l’empire romain avait