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le langage humain vivant comme la fleur, l’oiseau, l’homme, une réunion d’hommes. C’est, en un mot, un miroir vivant de la vie à tous ses degrés, depuis le simple jusqu’au multiple, depuis l’idylle jusqu’au poëme épique, jusqu’au drame : seulement la poésie se fait toute à tous, et participant de la lumière même, elle luit pour tout le monde. Les poëtes dont la figure austère et sublime reste gravée en médaille dans la mémoire des hommes, Homère, Dante, Shakespeare, tiennent le domaine tout entier, et connaissent, comme Salomon, du cèdre à l’hysope ; ils éclairent des cimes aux vallées, et gardent leur place invariable au ciel de l’intelligence, dont ils sont les constellations. Mais dans les replis des moindres coteaux, il y a une flore de poëtes et d’âmes qui ont senti à l’unisson de ces grands génies. Il y a, outre la poésie divine, humaine, séculaire, la poésie locale, qui a directement agi sur les hommes de telle ou telle contrée.

Voici ce que dit un poëte chinois, Li-Taïpe, dont le nom signifie : lumière du matin.

Un homme péchant sur un bateau est supposé conduit sur le courant par des fleurs de pêcher qui flottent à la surface de l’eau, dans une baie étroite qu’il traverse, et dont il ne peut plus retrouver le rivage.

Voici ce qu’il a cru voir :

« Peu nombreux étaient les habitants de ce beau séjour ; leurs manières et leurs mœurs étaient celles des jours antiques ; partout leurs champs étaient prodigues de fleurs et des doux trésors naturels. Aucun impôt ne consommait le fruit de leurs labeurs ; les vers que chantaient leurs enfants étaient ceux des temps anciens qu’on ignore. On entendait au loin dans la vallée les chants retentissants du coq, et les aboiements du chien de ferme saluaient les premiers rayons du jour. Oh ! puisse ma barque regagner ces plages fortunées ! »