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les étables, au souffle des animaux, pendant que les femmes filent et que les hommes rêvent, vous figurez-vous le conteur épique dévidant le fil des choses depuis les anciens temps et faisant passer devant les imaginations naïves les inventions des arts utiles et les exploits meurtriers des héros ? Voilà l’épopée.

Dans les villes, où les populations laborieuses s’exténuent tout le jour à la production des chefs-d’œuvre de l’industrie, à l’heure où la lampe s’éteint, où l’atelier se ferme, les hauts portiques sont encombrés, les grandes salles sont envahies, et, sous le feu de la rampe, se traduisent en une action saisissante les chocs des passions et des intérêts ; le vice étreint la vertu comme le vautour la colombe, et une morale pure se dégage du dénoûment. Les imaginations actives et brûlantes sont occupées et rafraîchies, les esprits naïfs et bruts tirent des conséquences justes des faits déroulés sous leurs yeux, les illusions de la scène adoucissent pour eux la réalité de la vie. Voilà le drame, et, en somme, les quatre principaux genres de poésie : on voit facilement comment les autres s’y rattachent.

Sous toutes ces formes, aussi nuancées qu’il y a de génies et de talents divers, la poésie tour à tour, ou tout ensemble, charme, console, instruit, met en relief les âges passés ou élève l’âme à une conception supérieure de l’avenir et de l’idéal. Chaque poëte exerce sur sa nation, sur ses contemporains, sur son siècle, sur la postérité même, une influence qui n’est personnelle que par la forme, et dont l’essence est un rayon divin.

La poésie n’est pas simple divertissement, ni vérité abstraite ; elle ne peut pas s’isoler du bon et du vrai, n’être que le beau ou l’art pour l’art, ce qui ne se conçoit pas ; elle n’est pas seulement son, couleur, sentiment, elle procède de tout l’être et revêt toutes les formes de la vie ; c’est