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a des temps où tous les peintres savent plus ou moins rapidement et habilement couvrir une toile ; de même les poëtes. Pourquoi le nom de celui-ci est-il dans toutes les bouches, et le nom de celui-là rampe-t-il encore ténébreusement dans des casiers de librairie, ou dort-il manuscrit dans des cartons de journaux ? En un mot, quel est le grand secret de Dupont, et d’où vient cette sympathie qui l’enveloppe ? Ce grand secret, je vais vous le dire, il est bien simple ; il n’est ni dans l’acquis, ni dans l’ingéniosité, ni dans l’habileté du faire, ni dans la plus ou moins grande quantité de procédés que l’artiste a puisés dans le fonds commun du savoir humain ; il est dans l’amour de la vertu et de l’humanité, et dans ce je ne sais quoi qui s’exhale incessamment de sa poésie, que j’appellerais volontiers le goût infini de la République.

Il y a encore autre chose, oui, il y a autre chose.

C’est la joie !

C’est un fait singulier que cette joie qui respire et domine dans les œuvres de quelques écrivains célèbres, ainsi que l’a judicieusement noté Champfleury à propos d’Honoré de Balzac. Quelque grandes que soient les douleurs qui les surprennent, quelque affligeants que soient les spectacles humains, leur bon tempérament reprend le dessus, et peut-être quelque chose de mieux, qui est un grand esprit de sagesse. On dirait qu’ils portent en eux-mêmes leur consolation. En effet, la nature est si belle, et l’homme est si grand, qu’il est difficile, en se mettant à un point de vue supérieur, de concevoir le sens du mot : irréparable. Quand un poète vient affirmer des choses aussi bonnes et aussi consolantes, aurez-vous le courage de regimber ?

Disparaissez donc, ombres fallacieuses de René, d’Oberman et de Werther ; fuyez dans les brouillards du vide, monstrueuses créations de la paresse et de la solitude ; comme les pourceaux dans le lac de Génézareth, allez vous replonger dans les forêts enchantées d’où vous tirèrent les fées ennemies, moutons attaqués du vertigo romantique. Le génie de l’action ne vous laisse plus de place parmi nous.

Quand je parcours l’œuvre de Dupont, je sens toujours revenir dans ma mémoire, sans doute à cause de quelque secrète affinité,