NOTICE
SUR
PIERRE DUPONT.
Je viens de relire attentivement les Chants et chansons de Pierre Dupont, et je reste convaincu que le succès de ce nouveau poëte est un événement grave, non pas tant à cause de sa valeur propre, qui cependant est très grande, qu’à cause des sentiments publics dont cette poésie est le symptôme, et dont Pierre Dupont s’est fait l’écho.
Pour mieux expliquer cette pensée, je prie le lecteur de considérer rapidement et largement le développement de la poésie dans les temps qui ont précédé. Certainement il y aurait injustice à nier les services qu’a rendus l’école dite romantique. Elle nous rappela à la vérité de l’image, elle détruisit les poncifs académiques, et même au point de vue supérieur de la linguistique, elle ne mérite pas les dédains dont l’ont iniquement couverte certains pédants impuissants. Mais, par son principe même, l’insurrection romantique était condamnée à une vie courte. La puérile utopie de l’école de l’art pour l’art, en excluant la morale, et souvent même la passion, était nécessairement stérile. Elle se mettait en flagrante contravention avec le génie de l’humanité. Au nom des principes supérieurs qui constituent la vie universelle, nous avons le droit de la déclarer coupable d’hétérodoxie. Sans doute, des littérateurs très ingénieux, des antiquaires très érudits, des versificateurs qui, il faut l’avouer, élevèrent la prosodie presque à la hauteur d’une création, furent mêlés à ce mouvement, et tirèrent des moyens qu’ils avaient mis en commun