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je crois à la probité de ce brave muletier, et puis, ma position est tellement désespérée, que mon indiscrétion ne peut plus guère me nuire.

Se retournant alors vers moi, l’inconnu ajouta :

— Mon ami, prenez une chaise et asseyez-vous à mes côtés.

Une fois que je fus placé près de lui, il reprit la parole.

— Vous voyez en moi, me dit-il, le duc de Ségovie. Il y a huit jours à peine que j’étais grand d’Espagne, commandant des armées du roi, le plus riche du royaume. L’amitié extrême que le roi semblait avoir pour moi, me rendait pour tous un objet d’envie, on me flattait, on m’adulait, et les plus grands seigneurs sollicitaient avec humilité mes bonnes grâces. Et aujourd’hui, que je suis errant, fugitif, le monde n’a plus pour moi que colère et injure. Les hommes, hélas ! trouvent un grand plaisir à prendre une revanche de la lâcheté qu’ils ont montrée près des gens au pouvoir, lorsque ces