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vingt-six ou vingt-sept ans ; j’étais alors établi muletier dans un tout petit village situé sur la lisière de la Forêt-Sombre, ou Sierra-Morena. Toute ma fortune consistait dans deux pauvres vieux mulets à moitié hors de service, qui m’aidaient à transporter à la ville voisine soit des voyageurs qui s’y rendaient, soit les fruits ou les légumes que les cultivateurs du village y envoyaient. La Sierra-Morena, grâce à ses retraites inconnues et mystérieuses, à ses précipices épouvantables, à ses solitudes inaccessibles, servait alors de refuge à une bande de voleurs ; aussi les voyageurs qui étaient obligés de traverser cette dangereuse forêt attendaient-ils ordinairement pour opérer ce périlleux trajet qu’ils fussent en grand nombre, d’où il résultait que je trouvais fort peu de pratiques, et que mes affaires allaient assez mal. Quant à moi, les voleurs connaissaient tellement ma pauvreté et me savaient si misérable, que je n’avais rien à craindre de leur part, La triste vie que je menais m’eût été insupportable, sans