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de partisans! Cependant, ajouta-t-il après une légère anse, à cette-heure solennelle où, près de descendre dans a tombe, j'embrasse d'un coup d'œil certain mon pà ne vois pas que j'eusse pu suivre une autre route venir, je le sais, w'appartenail! Encore une année d exis- tence et j'arrivais à la réalisation des grandes idées que j'a ais/conçues!

Je raillais la chouannerie, je lui donnais une organisation

uissante ! De chef obscur de bande, je devenais généra- Hésiné de l’armée catholique! Je traitais d’abord de puis- sance à puissance avec la République. puis bientôt les ré- publicains n'eussent plus été pour moi des insurgés el des rebelles qui seraient venus me demander merci !… Oh ! ce m'est point là un rêve. La mort me donne, je le sens, une lucidité d'esprit qui fait de moi un véritable prophète. Quel bel avenir perdu, mon Dieu ! quel bel avenir !

M. Jacques resta pendant quelques minutes plongé dans des réflexions profondes, puis, se soulevant sur son lil, il reprit bientôt d'une voix ferme et accentuée, qui présentait un singulier et saisissant contraste avec sa faiblesse :

— Personne n’a compris encore la Vendée !.., Laroche- jaquelin, mon camarade d'études et de régiment ; Lescure, Bonchamp, Cathelineau ont été de grands hommes de guerre, des saints ou des héros, mais l'idée politique leur a toujours manqué! Ils n'ont jamais vu, dans cette grande lutte de la Royauté contre la République, que des marches, des surpri- ses, des contre-marches… Rien autre chose…

La stratégie militaire ne suffit pas pour combattre et tuer

inci il faut, je le répète, savoir opposer à une el... Moi mort, quels défenseurs intelligents possédera encore la royauté? Hé: ueun, 11 ÿ a bien Cha- relle une nature parfaitement deuée pour la guerre civile, mais Charelle n’est, après lout,qu'une puissante el sublime machine qui, faute d'une direction supérieure, n'aboutira qu'à ensanglanter glorieusement encore avant de succomber quelques champs de bataille !. De la Puisaye!.… Oui, ce- lui-là voit de haut! mais il subit l'influence anglaise! Ses plans serout déjoués par une monstrueuse trahison. cela est incontestable !.,, Hélas! je le répète. l'espoir de la royauté meurt avec moi !

Depuis longtemps M, Jacques avait oublié ma présence ; il ne parlait pas à laule voix pour que je l'entendisse, il cau- sait avec lui-même, >

Ah! jamais, non, jamais je n'oublierai son air inspiré, sa parole vibrante, l'éclat et la profondeur de son regard. réole du génie qui ceignait son front pâle et déja lerni par le contact de la mort,

— Pauvre monsieur Jacques! Pour moi qui ai assisté à ta sublime agonie, pour moi qui Lai vu mourir sur la paille humide d’un souterrain, près de la runison de t mère, qu'âme généreuse et dévouée lu craignais de compromellre par ton dernier soupir, ton souvenir ne s'elacera jamais de


ma mémoire! Pour moi, lu seras toujours un plus grands hommes du siècle passé, — ce siècle où tant d'hom- mues ont élé grands, —, et je .remplacerai par l'imagination

la belle page que ton existence si prématurément brisée aura relranchée de l'histoire,

Je ne redirai pas, soupir par soupir, souffrance par souf- france, l'agonie dé M. Jacques. Doué, au physique cumme au moral, d'une nature puissante, il lutta avee une ra gie contre la mort! Ge ne fut que ie quatrième jour apri On arrivée qu'il succomba à sa blessure.

Aidé du paysan qui l'avait veillé avec moi, je creusai sa Some dans le souterrain, et après avoir récilé les prières des morts, je m’éloïgnai à pas lents, le cœur et les yeux gon- fs ae larme

Quant à l'absence de Lucile, qui eût pu causer au jeune bomme une si cruelle désillus au délire qu uit

mparé de lui dès le premier jour, il ne s'en aperçut pas, et il évita celle dernière douleur !


LUCILE. : b4

Je méloignais à pas lents, — à moitié ayeuglé par K clarté du soleil, — de la sombre retraite où je venais do passer ces quatre jours qui Liénnent une si grande place dans: ma vie, lorsque le paysan, m’arrètant par le bras el élouf: fant pour un moment les sanglots qui lui brisaient la voix : e

— Monsieur, me dit-il, sauf votre respect, il ne faut pas avouer que M. Jacques est mort ! ça découragerait nos amis, et ça ferait trop de plaisir aux bleus. N'est-ce pas que vous ne parlerez pas de cela?

— Non, mon ami, lui répondis-je, ne crains rien, je ne

parlerai pas, ;


— A revoir et merci, me répondit le paysan, qui, élevant son fusil au-dessus de sa tête et le brandissant en l'air, s'é- cria, avec une expression de rage inouïe :

— A présent, je vais venger monsieur Jacques ! Gare les bleus!

Ce ne fut qu'un peu avant d'arriver au château de la Ju- jui que je songeai à Anselme. Je wn’élonnai alors, pour

a première fois, que mon ami, si enthousiaste de M. Jac-

à qui il devait la vie, n'eùt pas songé à envoyer cher-

de ses nouvelles.

Toutefois, en réfléchissant que la retraite de Jacques était un secret dont Anselme ne pouvait disposer, je m’expliquai facilement cette prétendue indifférence.

Hélas! combien j'étais loin de me douter du motif qui avait empêché Anselme de se rendre lui-même, malgré sa faiblesse, au souterrain où agonisait son sauveur!

Je venais de traverser la cour du château, et je m'étonnais de ne pas entendre la voix de mon compagnon d'armes sa- luer mon retour, lorsqu'une servante que je rencontrai poussa un cri de surprise en me voyant, el, s'élançant à ma rencontre, me dit d’une voix émue :

— Accourez done, monsieur! dépèchez-vous. Il n’y a pas une minute à perdre, il va mourir!

— De qui parlez-vous? lui demandai-je avec un violent battement de cœur, car une affreuse pensée s'était présentée à mon esprit.

— De votre ami, me répondit-elle, malheur ! un si bon et un si bel homme ?

Sans entrer dans aucune autre explication, car je ne me sentis pas la force de parler, je suivis la servante,

Quelques secondes plus tard, j'entrai dans la chambre d’Anselme que je trouvai occupé à se confesser : notre hô- esse, les larmes aux yeux, se tenait à l'autre extrémité de le chambre,

Anselme, en m'apercevant, ne put relenir un cri de joie

ëcher de me dire : ds un peu, cher ami, j'achève ma confession et je suis à loi,

Eu effet, une minute après, le prêtre donnait l’absolution à mon pauvre ami, qui, me faisant signe d'approcher, me prit affectueusement par la main, et m'adressant le premier la parole, me demanda avec empressement des nouvelles de M. Jacques.

Je baissai ia tête es je gardai le silence,

— Je comprends, reprit Anselme, il est mort ! Eh bien, cher ami, je m is 16 rejoindre; si Lu as des commissions pour lui, dépéche-loi de m'en charger... le lemps presse... nselwe, an non du ciel! m'éc: je, ne parle pas

is que l'esi-il donc arrivé? Tu auras voulu, je le , brusquér ta convalescence; tu auras commis ueique

- ais ce ne sera rien; des soins intel ligents,


AL. Anselme ! Quel


— Oui, le repos éternel, me dit Anselme en m’interrom- pant d'une voix faible, je n'ai pa emps de l'expliquer la chose. deux mois me suff:ont… j'ai reçu de Kernoc une balle en pleine poitrine. Oh ne l'inquiéle pas, celte fois,