Page:Duplessis - Les Étapes d'un volontaire, 5, 1866.djvu/28

Cette page n’a pas encore été corrigée

26

LUCILE,


lui-même el resta inanimé auprès du corps de son frère d'armes,

Je ne puis, malgré mon désir de sortir au plus vite de cecile atmosphère de sang, passer sous silence la touchante et sublime douleur du fils de Mermet, jeune sufant de qua- Lorze ans, qui, après avoir comballu comme un lionceau au- près de son père, s'allacha à son cadavre, qu'il couvrit de Litas et de larmes, et refusa de rentrer dans le camp!

Nos chefs morts, notre élendard pris, et le moral de nos troupes affecté par tant de rapides revers, nous devions faia- lement succomber : nous succombâmes. Le premier roya- liste qui, s'élancant par-dessus nos palissades, pénétra, l'épée ing, dans nos retrauchements, fut un vieux chevalier Louis, à la tèle couverte de cheveux blancs, à la voix sonore et vibrante. Vive le roil mes amis, s'écria-t-il, ant aux Veudéeus, en lumbant au milieu de nous, et en avant. UE

À pariir de ce moment, je perdis, pour ainsi dire, la can- science de mon être, et je ne me rappelle plus ce qui se passa. S

J'éprouve comme un souvenir confus de cris des mourants, de détonations, d'imprécations de rage, d’une odeur de pou- dre et de sang, qui monlait au cerveau et m'enivrail, mais il

serait impossible de préciser ce qui m'arri qu'il m'est donné de planger dans ce chaos, je crois me rap- peler que mes camarades combattirent sans daigner deman- der, ni par conséquent sans obtenir grâce, La seule impres- sion qui me soil restée nelle et distincte de cette épouvantable scene le désolation et de carnage, est celle d’une violente douleur que je resseutis tout à coup à la tête el qui me priva du sentiment,

Lorsque je revins à moi, je [us quelque temps avant de pouvoir relier le passé avec le présent ; je voulus me lever, — car j'étais élendu par terre, — mais le premier mouve= ment que je fis me causa une telle douleur, que je n'osai plus, dans la crainte de n'apercevoir que j'étais dangereusement blessé, renouveler ma tentalive.

Peu à peu cependant, je finis par reprendre mes esprits et par regarder autour de moi, J'étais couché au milieu d'un monceau de cadavres, et les troupes royalistes, maîtresses de notre camp, m'entouraient de tous les côtés, Ah! com- bien je regrellai amèrement en ce moment de n'être p: mort les armes à la main ! Ne me restait-il pas, en efet, en- core upe horrible agonie à subir?

Comme je possédais par bonheur quelques notions astro- nomiques, il me fut possible de reconnaitre à la position des éloiles l'heure de la nuit : il était environ minuit.

le comptais, eL mon espérance ne fut pas déçue, que les tes, fatigués par la bataille de la journée, ne lai raiet pas passer la nuil sans prendre un peu de repos; ce fut, je le répète, ce qui arriva,

Vers les trois heures du malin, un silence profond, troublé seulement par le râle des mourants, régnail dans le camp; je profiai, pour me lever, de ce moment favornble, et me {rainant sur mes genoux el sur mes mains, je n'éloignai, je ne saurais dire avec quel pluisir, des cadavres au miliou des- quels j'étais resté couché depuis mon évanauissement,

Je dus ma vie, en celle circonstance, à un hasard provi- deutiel, € dire à une chute que je fis dans le fossé qui ehtourait le camp; or, la douleur que je ressentis fut telle que je dus rester là où j'étais tombé: blotti dans une exca- valion qui, par bonheur, se trouvait près de moi, j'échappni facilement uux recherches des royalistes.

Le lendemain malin, j'eus dans toute san horreur la vue d'un ohamp de bataille apres le combat, C'était affreux ! Je dus également assister à un très-épouvantable spectacle”: les Vendéens, après avoir dépavillé nos morts de leurs vêtements et de Jeurs armes, achesèrent impitayablement nos blessés, Je ne perdis pas un seul de leurs eris, pas une de leurs souf- frances,

La nouvelle victoire que Charette venait de remporter était pour l'année royale d'un avantage immense ; elle Jui livrait, en quantité, des munitions, des armes, des objets de campe- ment et une caisse abondamment pourvue,


Quant aux paysans, ils poussa en retrouvant dans nos tentes fait sur eux par les colaun

Après le pillage de notre camp, les ainsi qu'à la Roullière, à l'incendie, To susceptible d'être emporté fut brûlé, Lei plus navrant qu'il soit possible d'imag

Ce même vieux chevalier de Saint-1 qui le premier de tous avait pénétré les armes à la maiu dans nos retran- chements, dirigeait l'incendie du côté où je me tro Une distance de trente pas à peine me séparait de lui perdais pas une de ses paroles:

— Avant de mettre le feu à cette rangée de cabanes, dit-il à un paysan, aie soin, mon-ami, de faire enlever le pauvre eufunt qui pleure son père et que j'ai confié à ta garde. Ga ne serait pas de refus, répondit le paysan, petit bleu voulait se laisser fairé, m: ès qu'on l'approche il vous menace de sa baïonnelle ! Je vous promets, monsieur le chevalier de la Jaille, que si vous n’aviez pas donné des ordres aussi sévères pour qu'on le respectät, ce petit bleu, il y à longtemps qu'on l'aurait fusillé,

— Pauvre enfant, répondit le vieux chevalier de Saint- Louis, il n’a pas voulu se séparer du corps de son père, et il ne serait pas juste qu'il fôt la viclime de sa piété filiale. Je vais aller le vuir moi-nième,

Quelque crilique et dungerense que Fât ma posilion, je ne pus m'empêcher, en entendant le vieux Vendéen parler d'un enfant resté héroïquement près du cadavre de son père, je ne pus, dis-je, m'empècher de penser au fils de notre brave


ent des hurlements de joie une grande quantité du butin inceudiaires du Turreuu,


colonel Mermet, et de lever un peu la tête au-dessus des bords du fossé!


ssentiment n’était que trop fondé. Je vis un fusil à la main, menacer le vieux che- valier de Saint-Louis qui voulait l'entrainer avant de faire meltre le feu à celle partie du cump.

— Vous avez assassiné mon pauvre père, misérables bri- gands, el vous osez n'offrir la vie! disait-il d’une voix sac- cadée et le regard brillant d'un éclat fiévreux. Arrière, là- ches, voleurs, assassins que vous êtes!

Les paysans vendéens, je dois leur rendre celle justice, de la jeun du brave fils de notre colonel, restèrent sensibles à ses injures el n'essayèrent nullement de le dé- sarmer, Toutefois, il vint nn moment où le malheureux Mermet ayant crié : À bas le roi! à bas les calattins ! Vive la République ! je vis que la patience des paysans commen çait à s'user, leurs regards devinrent menaçants, et l'on d'eux armant son fusil et se retournant vers le chevalier de Ja Jaille

— Monsieur, lui dit-il, se peut-il que vous, si bon roya- liste, vous nous ordonniez de respecter ceux qui ne respec- tent ni la religion ni le roi!

M. de la Jaille, cela ne faisait pas un donte pour moi, començail à craindre qu'un malheur n'arrivât à cet infor- tuné, cat il répondit doucement an paysan

— Mon ami, verser le sang d’un enfant, c'est se prépa- rer une vieillesse bien horrible! Puisque celui-ci ne veut se rendre ni à nos prières ni à nos exhorlations, eh bien! pa tons et laissons-le livré à lui-même! Dieu en fera ce qu'il voudra!

— Un enfant qui vous tire des coups de fusil et vous me- nace de vous éventrer avec une baïonnetté me fait un peu d'effet d'une jeune vipère, et je trouve que l'on aurait Lort de le laisser grandir, reprit le paysan. Enfin, puisque c’est votre plaisir, monsieur de Ja Jaille, qu'on Je laisse lran- quille, on le laïssera tranquille ! N'importe, je n'aurais pas été faché de lui loger une balle dans la tête.

— Vous avez assassiné mon père, répondit lenfantd’une saccadée, et je ne veux plus vivre. ni

— Je dois vous avertir, mon ami, dit M. de la Jaille au jeune Mermet en s’éloignant, que l'on va incendier Ja par- tie du camp où vous vous tronvez, el que, si vous ne vous hâlez de partir, il ne sera bientôt plus temps de vous say- ver.

M. de la Jaille ne put s'empêcher, tout en s'éloignant, &e


vo