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LUCILE.


charger nos fusils, car cela demandait lrop de temps, et no- tre haine furieuse ne comprenait ni le retard ni la prudence, nous abordâmes à la baïonnelte les Vendéens, qui, après avoir franchi les palissades, s'étaient introduits dans notre camp, et nous en fimes un affreux carnage.

Comme j'écris ces lignes en dehors de toute passion de parti, je dois avouer que ces royalistes, ainsi séparés de leurs compagnons et attaqués par nos forces supérieures, se dé- fendirent avec une intrépidité surhumaine et tombèrent tous en héros!

— Mes amis, mes enfants, rous dit alors le colonel Mer- met, qui devenait, par la blessure de Guillaume et la mort de Prat, notre commandant en chef, il ne s’agit plus de dé- fendre notre camp, qui tôt ou. tard finirait par être emporté, il faut que nous marchions sur l'ennemi et que nous le met- lions en fuite, Vous êtes républicains, vous avez juré de vaincre ou de mourir, et je suis à votre lêle! Le succès’ ne peut être douteux, Vive la République! et en avant!

Des cris d'enthousiasme accueillirent l'annonce de cette Sorlie; en moins de temps que je n'en mets ici à l'écrire, une colonne se forma par enchentement et s'élança au pas de charge du camp!

À la vue de notre audacieuse manœuvre, les Vendéens, un moment surpris, semblèreut hésiter d'abord sur le parti qu'ils devaient prendre, puis enfin reculèrent devant notre front menaçant.

Mermet, par une imprudence chevaleresque, que pouvait seule faire excuser la position que daus laquelle nous nous lrouvions, marchait à vingt pas en avant de nous.

Alors se passa une de ces scènes héroïques si communes dans les guerres de la Vendée, el qui, pour passer à l’im- mortalité, attendent un Homère moderne, une scène que je n’oublierai jamais et que mon œil altendri croit contempler encore,

Les brigands, je l'ai déjà dit, intimidés ou surpris par no Le sortie si inattendue, avaient reculé devant nous, lorsque Charette, s'élancant seul des rangs des siens, se présenta, le sabre à la main, devant notre brave colonel !


| Mermet, plantant aussitôt en terre un drapeau tricolore | qu'il portait, se précipila vers le redoutable Vendéen! Les troupes de notre colonne et celles des royalistes s’'arrétèrent un moment indécises et comme frappées de respect ! Cha- relle souriail| |. Cependant ce combat antique, si peu dans nos mœurs, ne | devait pas avoir lieu, En voyant le danger que courait notre chef, et en reconnaissant le terrible général vendéen, nos ! fusils se dir nt vers lui. Les royalistes, de leur côté, sa- chant que Mermet était notre dernier espoir, épaulèrent leurs | carabines et le mirent en joue. lautile d'ajouter que cette scène se passa en vingt fois moins de temps qu'il ne m'en faut pour la rapporter : à peine prit-elle quelques secondes.

11 y avait mile à parier contre un que Mermet et Cla- retle allaient payer leur audace de la vie; mais le sort, il le | parait, élait contre nous! Un Vendéen d'une taille colossale ! et d’une force herculéenne, -— Lemoëlle, commandant des chasseurs du Bocage, ainsi que nous l'apprimes plus tard, nlevant son général dans ses bras, au moment où nous faisions feu, l'emporla en courant à travers une grêle de balles, et le déposa sain et sauf au milieu des siens! Mer- met, faute d'un pareil dévoiunent qui lui vint en aide, tomba mort frappé au front !..…

La chute de notre héroïque colonel nous causa une indi- cible émotion et abauit notre ardeur, Nous n'osàmes plus continuer cette sortie qui seule pouvait nous sauver, el nus regagnämes nos relranchements.

Noire retraite, si elle avait son côté honteux, fut noble- ment rachelée par la conduite d'un officier du 39° de ligne, qui $e plaçant, le sabre à la main, au pied du drapeau trico- lore planté en terre par Mermet, refusa de nous suivre, et jura de défendre les couleurs tricolores jusqu'à la mort.

En effet, cinq minutes plus la.d, cet héroïque officier towba pour ne plus se relever. Au même mom nt, un de ses camarades quitlant les rangs courut vers le dr: peau, l'arracha de terre et se tournant vers les Vendéens, l'agité au-dessus de sa lêle d'un air de menace ei de défi! Une bi À atteignit présque aussitôt le malheureux, qui sa