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18 LUCILE,

nons ni nos fu: comba

La première se composa de gardes-chasses, de contreban- diers, tous excellents tireurs, et la plupart munis de fusils à deux cous el de pistolets : ils formèrent le corps des éclai- reurs. Se portant rapidement, à notre approche, le long des haies el des ravis, ils ne tardaient pas à nous dépasser, et alors ils entamaient leur feu, qui était Lerrible. Ne tirant qu'à une petite porlée, et pour ainsi dire qu'à coup sùr, ils ne perdaieut presque pas une de leurs balles. Ces corps d'6- chaireurs se dirigeaient eux-mêmes et n'avaient pas d'offi- ciers.

La seconde classe se recruta parmi les paysans les plus déterminés et les plus exercés au maniement des armes. On l'appela la troupe des braves. 1 me serait au reste difficile de vous donner une.idée de la prodigieuse intrépidité qu'ils montraient au feu, pendant l’action. Leur audace n’avait pas de bornes. Lorsque les tirailleurs dout je viens de parler avaient entamé les ailes de nos troupes, Ces paysans se je taient sur nous, et nous allaquaient sur toule la ligne. Hélas ! combien de fois n'ai-je pas vu nos soldats, épouvantés par l'irrésistible et sauvage impéluosité de ce choc formidable, jeter leurs armes et prendre la fuite avec épouvante!

La troisième classe enfiu se composa du rèste des paysans, la plupart mal armés. -

Celle foule, plus dévouée et plus déterminée qu'adroite et puissante, se tenait d'ordinaire en une masse confuse et indisciplinée autour de ses caissons et de ses canons,

Dans les commencements de la guerre, la tactique des Vendéens était toujours la même. Voulaient-ils nous atla- quer, ils s'assuraient d’abord de notre posilion, ensuite les tirailieurs, se glissant le long des ravins et derrière les haies, allaient s'embusquer à peu de distance de l'extrémité de nos ailes. Les plus déterminés se portaient en force sur Ja droite pour altaquer notre gauche,

Les braves alors, en face: de la ligne de bataille, mais à une distance assez considérable, prenaient sans beaucoup d'ordre la position que leur indiquait leur commandant,

Le cauçn donnait ordinairement le signal du combat; le feu de la mousqueterie suivait de près el s'élendait bientôt sur la ligne entière, Il s'élevait alors de loutes parts des cris épouvaplables et bien propres à ébranler le morai de nos soldats. Les lirailleurs Yendéens se tenant à peu de distance les uns des autres, soit dans des lossés, soit dans des ravins, couraiéal de haie en haïe sans discontinuer, leur feu, Pen- dant ce temps, ceux qui élaiënt postés sur les derrières de nos ailes approchaïent peu à peu ävec lenteur, mais sans ja- mais réculer d'une ligne, et en dirigeant contre nous une fu sillade d’une incroyable activité,

Je ne dois pas vous cacher que dans cette terrible guerre de Vendée, surtout lors de son commencement, nous avons eu, la plupart du Lemps, désavantage,

— Et à présent, dis-je en interrompant mon nouvel et compléisant ami, où en est la guerre?

= À vous dire la vérité, me répondit-il, nous ne sommes guère plus avancés aujourd'hui que le premier jour.

— Vo un aveu qui n'a rien de rassurant pour moi! Et, dites-moi, les Vendéens dont vous me semblez si bien con naître la tactique, n'ont-ils donc pas changé leur facon de combatlre? Eu ce cas, pourquoi ne pas proûter de l'espé- rience que nous avons si chèrement acquise ?

= Oh ttout cela a bien changé, mon cher adjudant. Les Yendéens ont trouvé parmi eux des hommes de génie pour les conduire, et, à l'heure qu'il est, leurs généraux sont plu- 1ôt supérieurs qu'inférieurs aux nôlres.

— Gonnail-0n leurs chefs ?

Tous, non; mais les principaux, oui. Je vous donne- rais volontiers quelques renseignewenls sur eux, mais voilà la nuit qui s’avance et je dois partir demain au point du jour : permettez-moi de prendre congé de vous et de reposer un


a, et la masse des


PéGe ne fut pas sans l'avoir remercié vi que je me séparai du jeune oficier. Qui j'arrivai vers le iwilieu de la journée à

ment de nouveau


Mon premier soin fut de me ren l'état-maj

pass. pour,y présenter ma feuille de route et demander un illet de logement, Je dois avouer au lecteur que l'idée de

tenir garnison à Nantes me sonriait énormément, et qui lais résolu à lenter l'impossible pour obtenir cette résident

Quel ful donc mon désappointement, lorsque le comm saire me déclara que Nantes, depuis peu, avait cessé de parlie de l'armée de l'Ouest, et qu'il roule pour le camp de la Roullière,

Le lendemain matin, au point du jour, je me mis en mar- che à la suite d’un corps de gardes natjouaux nantais, pour ma nouvelle destination,


ire me signa ma feuille de


Y

Le camp de la Roullière, établi d'après le nouveau sys- tème d'occupation, qui avait remplacé celui des colonnes mobiles, était situé entre le Loguin et la Sèvre-Nantaise et coupuit la route de Montaign.

Ce camp, qui occupait un espace d'environ une lieue, était éloigné à peu près du double de celle distance de Nantes, dont il représentait pour ainsi dire le grenier d'abondan Rien de curieux et de pitloresque comme le spectacle qui s’offrit à mes regards lorsque j'arrivai, Des baraques de tou- tes les grandeurs s'élevaient sans ordre de tous côtés, dans un pêle-inêle peu symétrique.

Au milieu de ces baraques qui rappelaient assez les 1ré- leaux d'une fuire, j'aperçusune#foule déguenillée de soldats


dont les uns se promenaient en compagnie de femmes, les autres s’occupaient à faire cuire leur repas du jour; je ne dois pas cacher que l'impression première que produisil sur

moi la vue de mes nouveaux compagnons d'armes ne leur fut'pas faÿorable : ils avaient plutôt l'air de bandits que de soldats.

Parmi les uniformes de la ligne, j'avisai une assez grande quantité d’habits de gardes nalionaux.

— Puis-je vous demander, sans indiscrélion, dis-je à l'un de ces derniers, comment il se fait que vous vous lrouviez en si grand nombre dans le camp de la Roullière ?

— Nous venons ici pour donner la chasse aûx brigands qui südent dans les environs de lu Sauvagère, village qui borde la lande de Bouaine, me répondi fo- sillé avant-hier trois de ces misérables que nous avions faits prisouniers… ©

— Après un combat acharné, sans doute ?

— Au contraire, sans aucune résistance, Ces brigands,

pour mieux abuser de uotre bonne foi, el nous lromper avec plus de facilité, n'avaient pas d'armes sur eux el affectaient de s'occuper des travaux de la terre. Nous ne nous sommes pas laissés prendre à ce grossier piége, et nous les avons passés par les ares, ; _Le garde nalional achevait de me faire celte réponse avec un sang-froid plein de naïvelé, lorsque je vis passer près de moi un capitaine de la ligne. Je m'empressai de coirir À Sa rencontre,

— Capitaine, lui dis-je eu le saluant, seriez-vous assez bon pour m'indiquer où se Lrouve l'état-major du camp ?

— Est-ce que vous êles des nôlres? me demanda le capi- laine en frisaut sa moustache.

— Oui, capitaine, voici ma feuille de ronte,

— Voyons, me dil-il. Tiens, ajouta-L-il, Vous faites partie de ma compagnie! Av déja vu le feu? Le — Certes, capitaine, la guerre à la frontière. = Ah! tant mieux ! j'aurai au mojas un homme dans ma guie sur qui je pourrai compler. ro ommeut cela, capitaine ? lestroupes républicaines sont: elles douc tellement peu aguerries, qu'elles. n'osent soutenir le choc de paysans ignorant l'art de la guërre et mal armés?

— Les troupes républicaines sont les meilleures dit monde entier, me répondil-il, mais les volontaires forcés que je commande ne sont pas des soldats, La plupart les pères de fille, qui ont été engagés pour quinze jours, un mois, six