Page:Duplessis - Les Étapes d'un volontaire, 5, 1866.djvu/18

Cette page n’a pas encore été corrigée

16 LUCILE.




Tenue par la crainte, et à maudire les monstres qui depuis deux ans avaient couvert la France de ruines el de sang,

Je m'informais partout où je passais de la guerre de la Vendée, mais ma curiosité bien naturelle, à cet égard, ne re- cevait de satisfaction nulle part, Cette guerre, grâce aux rap- ports si contradictoires publiés par ordre de la Convention, grâce surtout au danger qu'il y avait à en parler librement, était restée à l’état de mystère, Les patrioles exallés van- taient les aboinables exploits du général Turreau, cét in- cendiaire en chef qui s'était efforcé de changer en un vaste Lombeau les huit cents lieues carrées que comprenait la Ven- dée dite militaire; les gens prudents se contentaient au seul nom des brigands, — c'était ainsi qu’on appelait les combat- lants royalistes, — de lever les veux au ciel d’un air d'indi- gnation profonde ; enfin les timorés gardaient nn silence opiniâtre,

Ce ne fut qu’en arrivant à Tours que j'oblins des détails, sinon précis, du moins nombreux, — trap nombreux mème, — sur les événements qui se passaient alors des deux côtés de la Loire. A Tours, c'élait à qui parlerait de la guerre de la Vendée ; seulement comme chacun en parlait d’une façon différente, il m'était impossible de débrouiller, au milieu de ce chaos de nouvelles contradictoires, quelque chase qui ressemblâl à la vérité. J'avais beau faire une part à l'exagé- ration, et me placer entre les limites des deux extrêmes, je mme trouvais Loujours rejeté en dehors de la ré

La rapidité avec laquelle j'avais voyagé depuis mon dé- part de Paris m'ayant mis en avance sur les élapes que m'ac- cordait ma feuille de route, je résolus de rester deux ou trois jours à Tours, et je fus retenir une chambre à l'hôtel du Chariot-d'Or.

Le lendemain même de mon arrivée, je fis la connaissance, à table d'hôte, d’un tout jeune officier qui, comme moi, se vendait à l'armée de l'Ouest; seulement cet officier avait sur moi l'avantage de connaitre parfaitement la Vendée où il avait déjà combattu.

— Ma (oi, lieutenant, lui dis-je, c’est la Providence qui


vous a mis sur mon chemin pour me servir de guide, Ne


vous élonnez donc pas, je vons prie, de mon indiscrétion et veuillez me pardonner si je vous accable de questions ; voil silongtemps que mon imaginalion travaille dans les ténèbres que je me sens capable de Ja plus excessive importunité pour arriver à la connaissance de la vérité. '

— Ne vous gènez pas, je suis à vos ordres, citoyen, me répondit-il avec autant d’honnèteté que de complaisance,

— Je vous remercie intniment, Seulement, j'ai tant de questions * vous adresser que je ne sais par laquelle com- mencer,

— Eh bien, pour couper court à vos irrésolutions, je vais, si vous le permettez, vous apprendre ce que je sais ; or, comme j'ai été chargé par mon général de faire un rap- port étendu sur la Vendée, je me ironve aussi à même que qui que cè soit de traiter ce sujet.

— Lieutenant, vous me comblez de joie : parlez, je vous écoute.

L'officier se recueillit un moment, puis s’allongeant dans son fauteuil et allumant un cigare :

— Mon cher adjudant, nv il, vous êtes bien fier et bien content en vous-même d’avoir fait la guerre sur les frontières da Piémont. Eh bien! croyez-moi, les actions auxquelles vous avez assisté ne sont rien en comparaison de ce que, selon toute probabilité, l'avenir vous réserve à l'ar- mée de l'Ouest, En Vendée, le théâtre de Ja guerre occupe un espace d'environ huit cents lieues carrées. Ses limi- tes peuvent être tracées par une ligne tirée à l'est dans la direction du Pont-de-Cé à Bissac, Doué, Thouars, Parthenay et Niort; au sud par la route de Niort à Fontenay, Luçon et les sables d'Olonne; à l'ouest par les côtes de la mer jus- qu'à Paimbœuf, et au nord, en remontant la rive gauche de la Loire jusqu’à Pont-de-Cé.

Cette enceinte, qui renferme au moins huit cent mille habitants, comprend la majeure partie du département de la Vendée, une portion de celui des deux-Sèvres et tout ce qui appartient aux départements de Maine-et-Loire et de la Loire-Inférieure, sur la rive gauche de ce fleuve.

La Loire sert de ligne de séparation entre Ja Vendée