Page:Duplessis - Les Étapes d'un volontaire, 5, 1866.djvu/16

Cette page n’a pas encore été corrigée

44

LUCILE.


indre, Aix, per

n'eûl EE aussi abominable, personne ne sañgea à se Excepté Anselme et le curé déporté dans la rade d' sonne ne mangea.

Vers la fin du diner, Jobert fit une courte apparition dans le réfeclaire ; il nous annonça l'arrivée des chariols pour l'après-diner,

— Ne penses-tu pas, me dit Anselme, que je ferais bien, à défaut du Mepini qui se cache sans doute, de faire retom- ber ma colère sur ce Jobert, qui ne vaut guère mieux que l'Halien ? Tu sais le proverbe : « Il vaut mieux un liens que deux lu auras, » .

— Tou idée n'a pas le sens couman, mon ami, Ii répon: dis-je. Le Jobert n'est qu'un agent infime de Manini, Tu lui tordrais dix fois le cou que l'Italien n'en continuerait pas moins pour cela ses dlénonciations et qu'on ne nous en cou- perail pas moins non plus la tête.

— Au fait, Lu as raison, j'en reste à ma première il C'est le Manini qu'il me faut. .

11 ÿ avait à peu près une heure que noùs étions sortis du réfectoire, lorsque le funèbre roulement des chariots fit trem- bler les pavés de notre cour. À ce bruit redoutable, ce fut partout un eri de (lésolation.

Bientôt un commissaire, suivi d'une nombreuse esconade de guichetiers et de troupes révolutionnaires, entra, con.me les jours précédents, dans les divers corridors pour appeler les viclimes,

Le premier nom qui retentit dans notre corridor de Ven< déiiaire fut celui de l'épicier Dervilly, ce mème détenu chez qui Jobert avait été prendre le café rs watin de ce jour,

Le malleureux négociant, qui se croyait, grâce à l'amitié que semblait lui témoigner l'agent de Manini, tout à fait à T'abri, éprouva un tel saisissement en s’entendant appeler, qu'il perdit complètement la ète et se mil à pousser des cris lamentable,

Le second détenu que l'on appela fut Loïzerolles fils, ce même jeune homme qui avait quelques jours auparavant, — Je lecteur doit sele rappeler, défendu si énergiquement son père contre les insultes de Manini; afin le troisième, mon cœur se serre encore à ouvenir, fut Anselme,

Mon pauvre ami se lenail à mes côlés au moment où son nom résonna sons les voùtes de notre corridor.

—Ahtaht me dit-il froidement et sans qu'un muscle tressaillil dans son visage, il paruit que Fonquier ne mé- prise pas trop mon sigle et qu'il me trouve digne d'une ré- pouse. Cher ami, je l'en conjire, pas de Gontiens Jon altendrissemenLl et sois homme, Figure-toi: que nous sommes épcore au feu ensemble et qu'une balie vient de me jeter_ par lorre à tes pieds, Sin chance te” favorise et que lu sortes libre. de Saint-Lazare, crois-en le conseil d’un mourant, relire-toi dans ta famille et ne L'uccupe plus de po- litique, ou, si lu Ven occupes, que ce soit pour combattre les ignobjes assassins qui ensanglantent anjourd’hni la France, J'ai dit : à présent donne-moi une poignée de main. où plutôt non, embrasse-moi!.,, C'est fini... Adieu! Je m'en s, avant que l'on en finisse avec moi, régler le compte de Manini ! Encore une fois adieu !,., Oh! franchement, ca me fait plus de peine de te quitter que.je ne l'avrais cru !.., Je m'aperçois que je Vaimaus de tout mon cœur! este ici ét ne m'accompaghe pas! lu pleurérais, el j'ai Jes larmes d'homme en horreur‘... “

Pendant qu'Anselme m'adressait ses deyniérs adieux scène fouchjnte se passait à mes côtés,

M. Loigerolles pere, profitant de ce que son fils, ocenpé à écrire une lettre dans Sa chambre, était absent pour le mio- ment, supplivit ses compagnons de gaptivité de ne pas l'a- yertir, el partait à sa place!

Dicu prolougerait 194 vie, par une triste faveur, de cent ans au-delà de la durée hpmaine, que pu je n'oublierai l'éponvantable désespoir que je ressenlis en Voyant dispa- rie Anselnie:

Mon premier mouvement fut de courir à une fenêtre qui donnait Sur la cour où stationnaient les charigjs, aliu d'a- percevoir plus longtemps mon api; mais, d'un autre côté, l'idée que j'allais le voir allaché gomme un vil criminel me


upe


relint, Je savais qu'à ce spectacle je n'aurais pas été maitre de mon indignation, et comprenant l'impuissance absoiue dans laquelle je me trouvais, je restai allerré, sans voix sans mouvement, à la même place où Anseline n'avait adressé son dernier adieu.

Gombien de Lemps restai-je ainsi fondroyé pur le déses- poir? Je l'ignore; probablement quelques minutes à peine. Pourtant, ce court laps de temps me semble aujourd’hui avoir tenu ane grande place dans mon existence,

Un vacarme épouvantable et des cris affreux me retirèrent enfin de mon affaissement léthargique; je crus reconnatire la voix d'Anselme. Alors, en deux bands, je me précipitai à lune des fenëtres qui donnaient sur la cour, el, écartant violemment les prisonniers qui s'y pressaient, je pris place au premier rang,

Le lecteur comprendra sans peine l'émotion sans nom que je ressen voyant Anselme qui, un bâton noueux ensan- glanté à la main, se démenait avec une agilité et une énergie surbumaines au milien d'un groupe de gendarmes et de troupes révlutionuaires.

— Courage! mon ami, lui criai-je hors de moi, courage! Je vais à {on secours,

El u geste réfléchi et insensé, je me mis À secouer les barreaux de la fenêtre pour les arracher.

Anselme, d'un sang-froid inout au milieu de cette Intte héroïque, n'avait parfaitement entendu et compris, car éle- vant la voix tout en continuant ses énergiques moulinets : .— Ne l'inquiète pas de moi, cher ami, me cria-1il, je l'ai dit que je ne partira aus Voir auparayant le Mänini; on ne veul pas me l'apporters je resterait

Le fait est qu'un vidé respectable ne tarda pas à se former autour du redoutable bâton d'Anselne : deux gendarmes et trois hommes des troupes révolutionnaires, dejà hors de combat, gisaient à terre à côté de leurs armes brisées ; leurs compagnons indécis cessèrent un moment le combat.

2 Quoi, leur dit alors Anselme, yo néants, et c'est À peine si nous avon ! Allons, continuons, ou je fonds sur vous sai, s pilié et je vons assomme! le bâton de mon ami se levait, lorsque lé concierge accourut, suivi de son prédécesseur Semé, sur Le théâ- ire du'combat. D'un coup d'æil rapide il jugea’ la position des closes, et prenant aussitôt son parti:

— Laissez cet hémme tranquille, dit-il aux gendarmes ; l'heure avance, vous êtes déjà en relard, et Fon ne peut faire attendre le tribunal. Je me charge de le faire mettre aux fers ce malin, et de l'expédier par le premier convoi qui aura lieu,

Les gendarmes ne se firent pas répéter de: dre{ trop heureux d'en être quiltés à si bon marché, ils s'empressérent de s'y conformer, Anselme l'avait bien dit: les chariots partirent sans lui.

Verneg s'était beaucoup avancé en se vantant de faire met- tre Anseline aux fers : il s'aperçut, après le départ des gen- darmes, que l nplissement de celle tache offrait 4 rieuses difficultés, et il tenta d'entrér en pourparlers avec mou héroïque ani,

— Goncierge, lui dit Anselme, à présent que devant mot se trouve l’espace et dans mes mains un bâton solile et noueus, Ï faut absalument, si tr tiens à l'emparer de ma personne, que lu fasses Vehir de l'artillerie pour me battre en bibl, et encore, en agissant ainsl, ne l'em,arprais-In que d'un cadavre. D'un autre côté, si tn veux me laisser rentrer Lranquillement dans ma Chimbre el me pronilire qu'avant de ju'envoyer à 1 guilloline, Jn me procuretss un moment d'entretien" avec Mahini, je capitule et jf sigue la suspension des hosiilités, _ cat

= Qu'il soit fait ainsi que tu le désires, répondj Verney. après avoir réfléchi un moment, Ta es un D... pléin de courage, PL lu me plais : je veux que nos buyious un coup enser)ble, à

— Defix si le vin-est tant Soit peu passablé! répondit tranquillement Anselme en rentrant de lu-mémg dans 1 prison,


X fois cet or-