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SŒUR AGATHE
DEUXIÈME PARTIE DES ÉTAPES D’UN VOLONTAIRE
PAR PAUL DUPLESSIS.
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LE ROI DE CHEVRIÈRES
— SUITE —

XV (suite)

La vieille dame, brisée par cette exclamation qui avait dû lui coûter un violent effort, appela près d’elle sa domestique Babet par un signe de tête, puis se laissant tomber dans un fauteuil :

— Babet, fui dit-elle d’une voix à peine intelligible, prends à ma ceinture la clef de mon secrétaire… les cinq cents louis se trouvent dans le second tiroir… tu sais… dans la cachette… apporte-les de suite à ce militaire et aide-moi à me coucher… je sens que je meurs…

En effet, cinq minutes plus tard, Babet remettait à Anselme une lourde ceinture de cuir, et prenant ensuite sa maîtresse dans ses bras, l’emportait, aidée par Rosa, hors du salon.

À peine me trouvai-je seul avec Anselme que, m’avançant vivement vers lui :

— Anselme, lui dis-je, si je ne te connaissais pas pour un honnête et loyal garçon, incapable de commettre une indélicatesse ou une mauvaise action, je me serais opposé à la scène de comédie que tu viens de jouer, et qui, jusqu’à présent, me semble avoir été funeste à notre pauvre hôtesse… Explique-moi donc de suite…

— Je ne t’expliquerai rien du tout en ce moment ! me répondit Anselme avec vivacité ; puisque tu as bien voulu avoir jusqu’à présent confiance en mon honnêteté, je ne vois pas pourquoi tu ne me continuerais pas encore cette confiance pendant quelques heures.

— Mais c’est qu’il s’agit en ce moment de dix mille francs…

— As-tu donc peur que je ne songe à garder cet or pour moi ? Rassure-toi !… avant dix minutes d’ici, il sera entre les mains de son véritable propriétaire.

— Quel est ce propriétaire, Anselme ?

— À quoi bon cette question, puisque je t’ai averti que mon intention est de garder le silence jusqu’à ce que nous soyons sortis de cette maison !… Mais, j’entends les domestiques qui reviennent ! Au nom de tout ce qui est sacré, ne m’interroge plus devant elles… surtout devant Rosa… Les voici… éloigne-toi de moi !…

— Eh bien, continua Anselme, en changeant de ton et en s’adressant aux deux vieilles, que devient votre maîtresse ?…

— Elle est immobile comme si elle était morte, citoyen, répondit Rosa, et elle ne peut plus parler. Je crois qu’elle n’a plus longtemps à vivre… Allez vite chercher un médecin.

— C’est votre devoir, brave femme, répondit mon compagnon ; mais comme la nuit est avancée, et qu’il pourrait vous arriver malheur en route, je vous accompagnerai.

Anselme et la vieille Rosa sortirent aussitôt ensemble, et Babet me quitta en me disant que l’état affreux dans lequel