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— Oh ! quant à lui, c’est un rusé compagnon qui saura retirer son épingle du jeu ! Je parie que si le renouvellement du comité a lieu, il gardera sa place. Écoutons-le, il va parler.

— Citoyens, je serai court, car je n’ai ni à outrager ni à complimenter personne. Quoi ! est-il possible, patriotes de 89, 90, 91, 92 ! que vous songiez à abandonner votre comité, qui toujours a été le bras fort, musculeux et obéissant de votre volonté ! Ce comité, qui ne compte dans son sein que vos vieux camarades de 89, 90, 91, 92 ! Tous républicains de la veille ! Quoi ! votre comité est accusé sans preuves, sans vraisemblance même, par des patriotes nouveaux, par des tartufes de civisme, par des enfants et par des ambitieux qui n’ont pu trouver que des phrases, pas un seul fait, et vous le reniez ! Rappelez-vous donc un peu, ingrats que vous êtes, les services que ces citoyens que vous voulez abattre ont rendus.

Ils ont mis deux cents scellés, autant de séquestres, fait incarcérer trois cent cinquante royalistes, et guillotiner vingt-neuf traîtres ! Robespierre, Couthon, Saint-Just nous ont écrit pour nous féliciter de notre attitude, et vous nous blâmez ! Je rougis pour vous de honte.

Plusieurs voix. — Nous ne voulons plus d’hypocrites mais nous vous soutiendrons toujours, vous les sans-culottes !…

D’autres voix. — Que le comité de surveillance reste en place : l’ordre du jour sur ces dénonciations !

Enfin quelques voix, et celles-là étaient les plus énergiques, criaient à l’autre extrémité de la salle : À bas les goinfres ! à bas le comité !

Après un nouveau débat très-animé pour savoir si l’on renouvellerait le comité en entier on en partie, ce fut à cette dernière décision que l’on s’arrêta.

Les postulants aux places des expulsés s’empressèrent de présenter leurs professions de foi ! Dieu sait les monstruosités que nous entendîmes.

Le premier qui s’expliqua fut un orfèvre.

— Je jure de me maintenir toujours pur comme l’or du creuset ! s’écria-t-il.

Vint ensuite un maître de danse.

— Moi, je m’engage à faire danser les aristocrates de la bonne manière.

Après le maître de danse, un huissier s’avança et dit :

— Je jure de signifier aux royalistes, aux fédéralistes, aux modérés, aux riches et aux suspects, la volonté du peuple, en parlant à leurs personnes. (Applaudissements.)

À l’huissier succéda un procureur, qui s’écria avec emphase :

— Citoyens, je jure d’imiter les républicains de Rome, de Sparte, de Marathon !

— Et moi, s’empressa d’ajouter un tisserand qui se présentait également, de faire non-seulement comme Marathon, mais encore comme Marat ! (Tonnerre d’applaudissements.)

— Frères et amis, dit un nouveau postulant, je trouve que toutes ces promesses ne vous engagent pas à grand’chose, car vous ne précisez rien. Ce que je veux, moi, c’est que l’on envoie à la guillotine soixante-quinze détenus sur les cent cinquante que renferme la maison de réclusion, et que chaque décade soit marquée par dix arrestations et cinq condamnations à mort !… (Vive adhésion. — Adopté.)

Une voix partant du fond de la salle :

— Par amendement, je demande qu’on ne puisse faire des arrestations que sur preuves, et que les mandats soient motivés. (Huées, clameurs, cris : À la lanterne le modéré.)

Un membre de la société, s’avançant alors d’un air farouche, prononça les paroles suivantes, qui me causèrent, le lecteur le comprendra sans peine, une pénible émotion.

— Que faisons-nous donc, braves sans-culottes, des complices du traître Edmond Verdier ? Je demande que sa famille soit mise en état d’arrestation, et les scellés apposés sur ses papiers, meubles et biens ! que son cousin le parfumeur, surtout, ce corrupteur des goûts public, soit poursuivi avec la dernière rigueur.

— J’appuie la motion ! ajouta une autre voix.

— Parbleu ! je le crois bien, s’écria mon hôte, vous êtes