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Sanglant et inanimé, il ne donnait plus le moindre signe de vie.

riers lui apprenait que le plan proposé la veille par miss Mary était en voie d’exécution. Or, ce plan, d’une merveilleuse simplicité, conciliait au mieux les intérêts de l’Américaine et ceux du marquis ; sa conception dénotait une entente peu ordinaire des affaires.

Il avait été d’abord convenu, entre la digne fille de l’excellent Sharp et M. de Hallay, que ce dernier attendrait l’arrivée de Grandjean au rancho avant de chercher querelle à son rival ; le Canadien, lui, était chargé d’avertir les aventuriers du duel projeté entre les deux jeunes gens, ce qui rendait le combat impossible, car il n’était pas à supposer que les hommes de l’expédition consentiraient à laisser le chef, dont ils ne pouvaient se passer, jouer sa vie à propos d’une discussion personnelle. Grandjean devait, en outre, profiter de l’absence de M. d’Ambron pour enlever Antonia. Ce plan, on le sait, avait complètement réussi. Ce que miss Mary n’avait pas prévu, c’était ce qui devait se passer sur le terrain.

Les deux adversaires n’avaient pas fait trois cents pas que déjà plus de cinquante aventuriers s’étaient mis à les suivre. M. d’Ambron ne songea pas à se plaindre de l’importunité de cette escorte, car son intention était de s’éloigner le plus possible du rancho, afin qu’Antonia ne pût entendre le bruit du combat. Ce ne fut donc qu’après au moins un quart d’heure d’une marche rapide et non interrompue qu’il s’arrêta.

— Monsieur, dit-il à son adversaire, si vous agréez cet endroit-ci pour le lieu de notre rencontre, nous n’irons pas plus loin.

— Soit, monsieur ! Désirez-vous indiquer vous-même ou voulez-vous que je marque les places ?…

— C’est là un soin inutile… Voyez-vous cet arbre isolé, là, devant nous ?

— À environ quatre-vingts pas ?… Oui.

— Eh bien, quand je toucherai cet arbre de ma main, cela signifiera que je serai prêt, et vous pourrez faire feu.

— C’est entendu.

— Pardon, messieurs, veuillez me livrer passage, dit M. d’Ambron en s’adressant aux aventuriers qui formaient un cercle autour de lui et du marquis.

Personne ne bougea.

— Éloignez-vous donc, messieurs, je vous prie, s’écria à son tour M. de Hallay. Je sais parfaitement bien que l’usage d’Amérique permet à tout le monde d’assister comme cu-