Page:Duplessis - Le Batteur d'estrade, 4, 1856.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La marche d’une troupe d’aventuriers à travers les solitudes indiennes, présente l’un des spectacles les plus pittoresques et les plus intéressants qu’il soit possible d’imaginer.

L’allure indépendante et capricieuse de ces hardis nomades qui n’observent la discipline qu’autant qu’ils la reconnaissent indispensable à la sécurité commune, la faiblesse des moyens matériels dont ils disposent, les alertes qui, vingt fois par jour, font battre tous les cœurs et armer tous les rifles, enfin les difficultés parfois inouïes qu’offre le parcours de la route, et qui ne tardent pas à disparaître comme par enchantement devant les efforts opiniâtres d’une brutale énergie, fournissent à chaque instant des épisodes prévus et animés qu’une plume ne saurait reproduire, et qui seraient dignes du pinceau de Decamp ou du crayon si poétiquement réaliste de Bida.

L’expédition préparée à San-Francisco par M. de Hallay était, sans contredit, la plus sérieuse et la plus importante qui, de mémoire d’homme, eût été dirigée vers et contre l’Apacheria.


La halte est le moment le plus bruyant de la journée.

Vingt mules de charge pour transporter les munitions de guerre et les bagages, dix énormes chariots, semblables à des forteresses ambulantes et traînés chacun par une vingtaine de bœufs, donnaient un développement inusité à la longue colonne d’aventuriers qui couvrait une étendue de près d’un mille. Toutefois, il suffisait d’un simple coup d’œil pour s’apercevoir qu’une savante organisation reliait entre elles toutes ces forces qui semblaient disséminées, et qu’un signal, parti du centre, pouvait pourtant rallier en quelques minutes. Ce jour-là et à la même heure que Joaquin Dick arrivait devant l’idole aztèque et empêchait M. d’Ambron de s’éloigner tout seul, M. de Hallay avait ordonné la halte. Pour les pionniers qui parcourent les déserts Américains ou Mexicains, la halte est le moment le plus bruyant, le plus animé et le plus intéressant de la journée. Chaque homme, tout en concourant à l’œuvre générale du campement qui doit assurer pendant la nuit et jusqu’à l’heure du départ du lendemain la sécurité de l’expédition, remplit, en outre, la tâche personnelle qui lui a été assignée à l’avance.

Les uns abattent des arbres ou fauchent de l’herbe sèche pour alimenter les feux nocturnes du bivouac ; les autres dépouillent le gibier qui servira au repas ; ceux-ci déchargent et étrillent les mules ; ceux-là, et, ce sont ordinairement les plus vieux et expérimentés pionniers à qui incombe ce