Quoi donc ? ça mord ?
Je la tiens !
Quoi donc ? une carpe ?
Non, la solution de mon problème.
Il était donc bien difficile, celui-là ?
Tenez, lisez ce problème étrange, ce rébus qui a jeté la perturbation dans tous les cerveaux assez spirituels pour… tenez… jugez-en vous-même !
« Étant donné un navire de soixante-sept mètres de long…
» Avec un mât de misaine de semblable hauteur ;
» Le navire jaugeant cinq cent cinquante tonneaux…
» Parti de Smyrne, pour Marseille…
» Et ayant à bord soixante-cinq jours de vivres…
» Onze passagers, huit hommes d’équipage… trouver l’âge du capitaine, ah ! ah !
Eh bien !
Eh bien ! je dis que lorsque ledit navire aura parachevé sa petite traversée… lorsque le capitaine sera devant Marseille, il vous aura dans les trente-huit à trente-neuf ans.
Pourquoi ça ?
Parce que, lorsque ledit capitaine sera en vue du lazaret, il approchera de la quarantaine… ah ! ah !… vous n’êtes pas surpris ?…
Je le savais… il y a beau temps. Nous en faisons bien d’autres… ah ! vous aimez ce genre de bêtises carabinées ?
On m’a surnommé le gros Sphinx.
Oh ! alors, nous sommes matelots, vous sommes copins !
Quoi ! vous seriez aussi godiche que moi ?
À preuve… écoutez !
Comme pêcheur, je vous prête mes ouïes.
Quelle différence y a-t-il entre un brochet et mon paletot ?
Diable ! quelle différence ? (Cherchant.) Attendez… ma foi, Gros-Minet donne sa langue aux chats !
Voilà la différence… c’est que le brochet se mange au bleu, et que mon paletot, hélas ! se mange aux vers.
Boum !… ah ! vous le prenez comme ça ! bon pour le poisson d’eau douce ; mais pour le poisson de mer… connaissez-vous le procédé pour donner de la gaieté aux harengs ?
De la gaieté aux harengs ?
Oui, aux harengs… sors de là si tu peux.
Je demande la perche !
Eh ! bien, vous guettez le passage… pas du saumon… du hareng… et quand vous en apercevez un banc, gardez-vous de vous y asseoir.
Comprends pas !
Vous profitez du rassemblement ; vous prenez la parole, vous leur faites un long, un très-long discours ; ça les embête, et pourtant vous obtenez des harengs… gais !
Mais vous êtes très-fort… joutons !
Joutons !
(En ce moment, le soleil commence à se montrer.)
- Ah ! ah ! me trompé-je ?
- Oh ! oh ! m’abusé-je ?
- Il se lève !
- Il se lève !
- Le voici ! le voici ! ah !
- Le voici ! le voici ! ah !
- Le voilà ! le voilà !
- Le voilà ! le voilà !
- Bonjour, monsieur le Soleil !
- Bonjour, monsieur le Soleil !
- Bonjour, monsieur le Soleil !
- Bonjour, monsieur le Soleil !
À présent, mon petit vieux, bien le bonjour, j’ai un rendez-vous.
Halte-là !… comme débiteur, vous, et comme garde du commerce, moi, je vous arrête (riant) de poisson.
Pas de mauvaise farce… laissez-moi passer.
Oh ! vous ne m’échapperez pas.
Mais vous me prenez pour un autre !
Ah !… je vous prends pour un autre !
Grossièrement !
Et cette petite lettre de change ?…
Moi !… faire des lettres de change !… (Avec dignité.) Apprenez que je n’ai pas assez de crédit pour ça !
Nierez-vous votre signature ?… là… au bas : « Polissard. »