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guillonnés par le sifflement des balles, le frémissement des bombes et les mugissements métalliques des fusées et des obus qui éclatent et qui se brisent, dans ces heures où l’enthousiasme, la séduction du péril et une excitation violente et inconsciente font perdre de vue la pensée du trépas ?


C’est dans ces nombreux hôpitaux de la Lombardie que l’on pouvait voir et apprendre à quel prix s’achète ce que les hommes appellent pompeusement la gloire, et combien cette gloire se paie cher ! — La bataille de Solférino est la seule qui, au XIXe siècle, puisse être mise en parallèle, pour l’étendue des pertes qu’elle entraîna, avec les batailles de Borodino, de Leipsick et de Waterloo. En effet, comme résultat de la journée du 24 juin 1859, on comptait en tués ou blessés, dans les armées autrichienne et franco-sarde, 3 feldmaréchaux, 9 généraux, 1566 officiers de tous grades, dont 630 autrichiens et 936 alliés, et environ 40,000 soldats ou sous-officiers[1]. Deux mois après, il fallait joindre à ces chiffres, pour les trois armées réunies, plus de 40,000 fiévreux et morts de maladie, soit par suite des fatigues excessives éprouvées le 24 juin et les jours qui précédèrent immédia-

  1. Des journaux français et des publications ont prétendu qu’au moment de signer le traité de paix de Villafranca, le feldmaréchal Hess avait avoué que les Autrichiens, à la bataille de Solférino, avaient eu 50,000 hommes mis hors de combat, car, aurait-il ajouté, « les canons rayés français décimaient nos réserves. » Mais il est permis de douter de l’authenticité de ces paroles, répétées par quelques journaux.