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d’éclat, si tu étais tombé auprès de ton colonel en défendant le drapeau de ton régiment ; il eût même mieux valu pour toi que tu eusses été enterré tout vivant par les rustres auxquels la mission d’ensevelir était dévolue, lorsque, privé de connaissance, tu as été relevé inanimé sur le mamelon des Cyprès ou dans la plaine de Médole ! au moins ton affreuse agonie n’aurait pas été longue ; mais maintenant, c’est une succession d’agonies que tu dois endurer, ce n’est plus le champ d’honneur qui se présente à toi, mais après d’inexprimables souffrances la mort froide et lugubre, accompagnée de tous ses épouvantements ; enfin c’est à peine si ton nom échappera à l’épithète si brève de « disparu, » pour toute oraison funèbre !


Qu’était devenue cette ivresse profonde, intime, inexprimable, qui électrisait ce valeureux combattant, d’une manière si étrange et si mystérieuse, à l’ouverture de la campagne, et lors de la journée de Solférino, dans les moments mêmes où il jouait sa vie, et où sa bravoure avait en quelque sorte soif du sang de ses semblables qu’il courait répandre d’un pied si léger ? Qu’étaient devenus, comme dans les premiers combats, ou lors de ces entrées triomphales dans les grandes cités de la Lombardie, cet amour de la gloire et cet entraînement si communicatif, augmentés mille fois par les accents mélodieux et fiers des musiques guerrières et par les sons belliqueux des fanfares retentissantes, et ardemment ai-