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ou peu judicieux, apportant dans les églises ou les hôpitaux une nourriture souvent malsaine aux blessés, on fut obligé de leur en interdire l’entrée ; beaucoup d’entre eux qui auraient consenti à venir passer une heure ou deux auprès des malades, y renonçaient dès qu’il s’agissait d’avoir une permission et de faire des démarches pour l’obtenir ; et les étrangers qui auraient été disposés à rendre service et à s’utiliser, rencontraient des obstacles imprévus, tantôt d’une espèce, tantôt d’une autre, de nature à les décourager. Mais des infirmiers volontaires bien choisis et capables, envoyés par des sociétés, ayant la sanction et l’approbation des autorités, auraient surmonté sans peine toutes les difficultés et fait incomparablement plus de bien.


Pendant les huit premiers jours après la bataille, les blessés dont les médecins disaient à demi-voix en passant devant leurs lits et en branlant la tête : « Il n’y a plus rien à faire ! » ne recevaient plus guère de soins, et mouraient délaissés et abandonnés. Et cela n’était-il pas tout naturel, vu le très-petit nombre d’infirmiers, en regard de la quantité énorme des blessés, n’était-il pas d’une logique aussi inévitable que désolante et cruelle de les laisser périr sans plus s’occuper d’eux, et sans leur consacrer un temps précieux qu’il était si nécessaire de réserver aux soldats encore susceptibles de guérison ? Ils étaient nombreux ceux que l’on condamnait ainsi par avance, et ils n’étaient pas sourds ces malheureux sur lesquels on