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mot révélait toute la grandeur de son dévouement aussi complet que maternel.

Dans les rues, je suis arrêté, jusqu’à cinq fois de suite, par des bourgeois de Brescia qui me supplient de venir chez eux leur servir d’interprète auprès d’officiers français blessés, commandants, capitaines ou lieutenants, qu’ils ont voulu avoir dans leurs maisons, et auxquels ils donnent tous les soins les plus empressés et les plus affectueux, mais souvent sans pouvoir saisir un seul mot de ce que leur dit leur hôte qui ne connaît pas l’italien ; ce dernier, presque toujours agité et inquiet, s’irrite de ne pas être compris, au grand désespoir de la famille entière qui l’entoure des égards les plus sympathiques, mais les voit reçus avec l’impatience et la mauvaise humeur que donnent la fièvre et la souffrance ; ou bien c’est un officier que le docteur italien veut saigner et qui, s’imaginant qu’on veut l’amputer, lui résiste de toutes ses forces, et en s’échauffant se fait un mal affreux : des paroles rassurantes et explicatives, prononcées dans la langue de leur patrie, parviennent seules, au milieu de ces quiproquos lamentables, à calmer ces invalides de Solférino. Avec quelle douceur et quelle patience les habitants de Brescia se dévouent maintenant, à leur tour, auprès de ceux qui se sont dévoués pour eux et leur pays afin de les délivrer de la domination étrangère ! c’est un véritable chagrin qu’ils ressentent lorsque leur malade vient à mourir. Combien il est touchant de voir ces familles improvisées suivre religieusement, le long de la grande avenue de