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Cette ville, si gracieuse et si pittoresque, est transformée, non pas en une grande ambulance provisoire comme Castiglione, mais bien en un immense hôpital : ses deux cathédrales, ses églises, ses palais, ses couvents, ses colléges, ses casernes, en un mot tous ses édifices sont encombrés par les victimes de Solférino ; quinze mille lits y ont été improvisés, en quelque sorte, du jour au lendemain ; les généreux habitants ont fait plus qu’on n’avait jamais fait, nulle part, vis-à-vis d’événements pareils. Au centre de la ville, la vieille basilique appelée il Duomo vecchio ou la Rotonde, avec ses deux chapelles, renferme un millier de blessés ; le peuple se porte en foule auprès d’eux, et les femmes de toutes les classes leur apportent à profusion des oranges, des gelées, des biscuits, des bonbons et des friandises ; l’humble veuve ou la plus pauvre petite vieille ne se croit pas dispensée de venir elle-même faire accepter son tribut de sympathie et sa modeste offrande ; les mêmes scènes se passent dans la nouvelle cathédrale, magnifique temple en marbre blanc à la vaste coupole, où sont agglomérés des centaines de blessés, et elles se répètent dans les quarante autres édifices, églises ou hôpitaux qui contiennent, entre eux tous, près de vingt mille blessés et malades.

La Municipalité de Brescia s’éleva aussitôt et sut se maintenir dignement au niveau des devoirs extraordinaires que lui imposaient des circonstances si solennelles ; elle s’était constituée en permanence, et elle s’entoura des lumières et des conseils des citoyens les plus notables qui