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Castiglione, nous prêtent leur concours. Mais bientôt l’un de ces militaires se sent malade d’émotion, et nos autres infirmiers volontaires se retirent successivement, incapables de supporter longtemps l’aspect de souffrances qu’ils ne peuvent que si faiblement soulager ; l’abbé a suivi leur exemple, mais il reparaît pour nous mettre sous le nez, par une attention délicate, des herbes aromatiques et des flacons de sels. Un jeune touriste français, oppressé par la vue de ces débris vivants, éclate soudainement en sanglots ; un négociant de Neuchâtel se consacre pendant deux jours à panser les plaies, et à écrire pour les mourants des lettres d’adieux à leurs familles ; on est obligé, par égard pour lui, de ralentir son ardeur, comme aussi de calmer l’exaltation compatissante d’un Belge qui était montée à un tel degré que l’on craignait qu’il ne fût pris d’un accès de fièvre chaude, semblable à celui dont fut atteint, à côté de nous, un sous-lieutenant qui arrivait de Milan pour rejoindre le corps dont il faisait partie. Quelques soldats du détachement laissé en garnison dans la ville essaient de secourir leurs camarades, mais ils ne peuvent non plus soutenir un spectacle qui abat leur moral en frappant trop vivement leur imagination. Un caporal du génie, blessé à Magenta, à peu près guéri, retournant au bataillon et auquel sa feuille de route accorde quelques jours, nous accompagne et nous aide avec courage, quoique deux fois de suite il s’évanouisse. L’intendant français qui vient de s’établir à Castiglione, accorde enfin l’autorisation d’utiliser, pour le service des hôpi-