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obligé de faire des quantités prodigieuses. D’énormes ballots de charpie ont été entreposés ici et là, chacun peut en user en toute liberté, mais les bandelettes, les linges, les chemises font défaut ; les ressources, dans cette petite ville où a passé l’armée autrichienne, sont si chétives que l’on ne peut plus se procurer même les objets de première nécessité ; j’y achète pourtant des chemises neuves par l’entremise de ces braves femmes qui ont déjà apporté et donné tout leur vieux linge, et le lundi matin j’envoie mon cocher à Brescia pour y chercher des provisions ; il en revient, quelques heures après, avec son cabriolet chargé de camomilles, de mauves, de sureau, d’oranges, de citrons, de sucre, de chemises, d’éponges, de bandes de toile, d’épingles, de cigares et de tabac, ce qui permet de donner une limonade rafraîchissante impatiemment attendue, de laver les plaies avec de l’eau de mauves, d’appliquer des compresses tièdes et de renouveler les bandages des pansements. En attendant nous avons gagné des recrues qui se joignent à nous : c’est un vieil officier de marine, puis deux touristes anglais qui, voulant tout voir, sont entrés dans l’église, et que nous retenons et gardons presque de force ; deux autres Anglais se montrent au contraire, dès l’abord, désireux de nous aider ; ils répartissent aux Autrichiens des cigares. Un abbé italien, trois ou quatre voyageurs et curieux, un journaliste de Paris, qui se charge ensuite de diriger les secours dans une église voisine, et quelques officiers dont le détachement a reçu l’ordre de rester à