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misères. Alors commencent des scènes aussi lamentables que celles de la veille, quoique d’un genre tout différent : il y a de l’eau et des vivres, et pourtant les blessés meurent de faim et de soif ; il y a de la charpie en abondance, mais pas assez de mains pour l’appliquer sur les plaies ; la plupart des médecins de l’armée ont du partir pour Cavriana, les infirmiers font défaut, et les bras manquent dans ce moment si critique. Il faut donc, tant bien que mal, organiser un service volontaire, mais c’est bien difficile au milieu d’un pareil désordre, qui se complique d’une espèce de panique, laquelle vient s’emparer des habitants de Castiglione et a pour résultats désastreux d’augmenter prodigieusement la confusion et d’aggraver, par l’émotion qu’elle leur donna, le misérable état des blessés.

Cette panique fut causée par une circonstance en réalité bien futile. À mesure que chaque corps de l’armée française se reconnaissait, après avoir pris position, on formait, le lendemain de la bataille, des convois de prisonniers, qui étaient dirigés sur Brescia par Castiglione et Montechiaro. L’un de ces détachements de prisonniers escorté par des hussards, s’approchait, dans l’après-midi, en s’avançant depuis Cavriana dans la direction de Castiglione où, du plus loin qu’on l’aperçut, il fut pris sottement, par les habitants, pour l’armée autrichienne qui revenait en masse. Malgré l’absurdité et l’invraisemblance de cette nouvelle, colportée par des paysans, par les conducteurs auxiliaires des bagages de l’armée, et par ces