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courent, tout effarés, par les rues à la recherche d’un médecin pour leurs hôtes ; d’autres vont et viennent par la ville, d’un air désolé, en demandant avec instances qu’on enlève de chez eux des cadavres dont ils ne savent comment se débarrasser. C’est à Castiglione qu’ont été portés les généraux de Ladmirault, Dieu et Auger, les colonels Broutta, Brincourt, et d’autres officiers supérieurs auxquels des soins sont donnés par l’habile docteur Bertherand, qui fait, depuis le vendredi matin, des amputations à San Luigi. Deux autres chirurgiens-majors, les docteurs Leuret et Haspel, deux médecins italiens, et les aides-majors Riolacci et Lobstein ont appliqué des appareils et fait des pansements pendant deux jours, et ils continuent même leur pénible ministère durant la nuit. Le général d’artillerie Auger, transporté d’abord à la Casa Morino où se trouvait l’ambulance du quartier général du corps du maréchal Mac-Mahon dont il faisait partie, a été ensuite amené à Castiglione : cet officier si éminent a eu l’épaule gauche fracassée par un boulet de six, qui est resté enclavé, pendant vingt-quatre heures, dans la profondeur des muscles de l’aisselle. Le général succomba le 29 aux suites de l’opération de la désarticulation du bras, nécessitée pour l’extraction de ce boulet, et à la gangrène qui avait envahi la plaie.

Pendant la journée du samedi le nombre des convois de blessés devient si considérable que l’Administration, les habitants, et le détachement de troupes laissé à Castiglione sont absolument incapables de suffire à tant de