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l’encombrement devient indescriptible[1]. Cette ville se transforme tout entière, pour les Français et les Autrichiens, en un vaste hôpital improvisé ; déjà dans la journée du vendredi l’ambulance du grand quartier général s’y était établie, des caissons de charpie y avaient été déballés, de même que des appareils et des médicaments ; les habitants ont donné tout ce dont ils pouvaient disposer en couvertures, linge, paillasses et matelas. L’hôpital de Castiglione, l’église, le cloître et la caserne San Luigi, l’église des Capucins, la caserne de gendarmerie, ainsi que les églises Maggiore, San Giuseppe, Santa Rosalia sont remplis de blessés qui y sont entassés et couchés seulement sur de la paille ; on met aussi de la paille dans les rues, dans les cours, sur les places, où l’on a établi à la hâte ici des couverts en planches, là tendu des toiles, pour préserver un peu du soleil les blessés qui arrivent de tous les côtés à la fois. Les maisons particulières ne tardent pas à être elles-mêmes occupées ; officiers et soldats y sont reçus par les propriétaires les plus aisés qui s’empressent de leur procurer tous les faibles adoucissements qui sont en leur pouvoir ; quelques-uns d’entre eux

  1. Castiglione delle Stiviere, située à six lieues sud-est de Brescia, compte cinq mille trois cents habitants. C’est en avant de Castiglione que le 5 août 1796 le général Bonaparte, à la tête de l’armée d’Italie, remporta, deux jours après la prise de cette ville par le général Augereau, une victoire importante sur le feldmaréchal autrichien Wurmser. C’est également tout près de là, sur la Chiese, que le 19 avril 1706 le duc de Vendôme avait gagné la bataille de Calcinato sur le maréchal de Reventlow, qui commandait les Impériaux en l’absence du prince Eugène.