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« Ne soyez pas surpris de la dureté et de la rudesse de quelques-unes de nos troupes, me disait un officier autrichien prisonnier, car nous avons des sauvages, venus des provinces les plus reculées de l’empire, en un mot, de vrais barbares dans notre armée. »

Des soldats français voulaient à leur tour faire un mauvais parti à quelques soldats prisonniers qu’ils prenaient pour des Croates, ajoutant avec exaspération que « ces pantalons collants, » comme ils les désignaient, achevaient toujours les blessés ; cependant c’étaient des Hongrois qui, sous un uniforme ressemblant à celui des Croates, ne sont point aussi cruels ; je parvins assez promptement moi-même, en expliquant cette différence aux soldats français, à retirer de leurs mains ces Hongrois tout tremblants. Chez les Français il n’y a pourtant envers les prisonniers, à peu d’exceptions près, que des sentiments de bienveillance : ainsi des officiers autrichiens ont été autorisés à garder leur sabre ou leur épée, par une courtoisie que leur ont faite les commandants d’armée ; ils ont la même nourriture que les officiers français, et ceux qui sont blessés sont soignés par les mêmes médecins, on va jusqu’à permettre à l’un d’eux de retourner chercher ses bagages. Bien des soldats français partagent fraternellement leurs vivres avec des prisonniers mourants de faim ; d’autres chargent sur leur dos des blessés de l’armée ennemie pour les porter aux ambulances, et là leur rendent toutes sortes de bons offices, avec un dévouement remarquable et une profonde compassion. Des officiers français