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et pendant l’action même c’est à peine s’ils pouvaient connaître ou apprécier bien sûrement ce qui se passait à côté d’eux ; cette ignorance s’était compliquée dans l’armée autrichienne par la confusion ou l’absence de commandements généraux, exacts et précis.


Les hauteurs qui s’étendent de Castiglione à Volta étincellent de milliers de feux, alimentés par des débris de caissons autrichiens, et par les branches d’arbres que les boulets et l’orage ont abattues ; les soldats font sécher à ces feux leurs vêtements mouillés, et dorment sur les cailloux ou sur le sol ; mais ceux qui sont valides ne se reposent pas encore, il faut trouver de l’eau pour faire de la soupe ou du café, après cette journée sans repos et sans nourriture.

Que d’épisodes navrants et de déceptions de toute espèce ! Ce sont des bataillons entiers qui n’ont point de vivres, et des compagnies auxquelles on avait fait mettre sac à terre et qui sont dénuées de tout ; ailleurs c’est l’eau qui manque, et la soif est si intense qu’officiers et soldats recourent à des mares boueuses, fangeuses et remplies de sang caillé.

Des hussards qui revenaient au bivouac, entre dix et onze heures du soir, et qui avaient dû, quoique accablés de lassitude, aller en corvée chercher de l’eau et du bois à de fortes distances pour pouvoir faire du café, rencontrèrent tant de mourants tout le long de leur chemin, les suppliant de leur donner à boire, qu’ils vidèrent presque