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sous le feu même de l’ennemi, elles vont relever de pauvres soldats mutilés qui demandent de l’eau avec instance, et elles-mêmes sont blessées en leur donnant à boire et en essayant de les soigner[1]. À côté se débat, sous le poids de son cheval tombé lourdement sur lui atteint par un éclat d’obus, un officier de hussards affaibli par le sang qui sort de ses propres blessures ; et près de là, c’est un cheval échappé qui passe, entraînant dans sa course précipitée le cadavre ensanglanté de son cavalier ; plus loin des chevaux, plus humains que ceux qui les montent, évitent à chaque pas de fouler sous leurs pieds les victimes de cette bataille furieuse et passionnée.

Un officier de la Légion étrangère est renversé par une balle qui l’étend raide mort ; son chien qui lui était fort attaché, qu’il avait ramené d’Algérie et qui était l’ami de tout le bataillon, marchait avec lui ; emporté par l’élan des troupes il tombe à son tour quelques pas plus loin frappé, lui aussi, d’une balle, mais il trouve encore la force de se traîner pour revenir mourir sur le corps de son maître. Dans un autre régiment, une chèvre, adoptée par un voltigeur et affectionnée par tous les soldats, monte impunément à l’assaut de Solférino au travers des balles et de la mitraille.

Combien de braves militaires qui ne sont point arrêtés

  1. Ce sont peut-être celles qui ont été brûlées par les Mexicains le 9 juin 1862, attachées toutes vivantes par des chaînes à des chariots de poudre, avec dix soldats qui, conduisant un convoi de vivres et de munitions au camp français depuis la Vera-Cruz, se trouvèrent enveloppés par des guérillas à une lieue environ de la Tejeria.