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triplé, il serait encore insuffisant, et il le sera toujours. Il faut inévitablement recourir au public : on y est forcé, et on y sera constamment forcé, car ce n’est que par la coopération du public qu’on peut espérer d’atteindre le but dont il s’agit. C’est par conséquent un appel qu’il faut faire et une supplique qu’il faut adresser aux hommes de tout pays et de tout rang, aux puissants de ce monde comme aux plus modestes artisans, puisque tous peuvent, d’une manière ou d’une autre, chacun dans sa sphère et selon ses forces, concourir en quelque mesure à cette bonne œuvre. — Un appel de ce genre s’adresse aux dames comme aux hommes, à la grande princesse assise sur les marches d’un trône, comme à l’humble servante orpheline et dévouée, ou à la pauvre veuve, isolée sur la terre, et qui désire consacrer ses dernières forces au bien de son prochain ; il s’adresse au général ou au maréchal-de-camp, comme au philanthrope et à l’écrivain qui peut, du fond de son cabinet, développer avec talent, et par ses publications, une question embrassant l’humanité entière, et, dans un sens plus spécial, chaque peuple, chaque contrée, chaque famille même, puisque nul ne peut avec certitude se dire à tout jamais à l’abri des chances de la guerre. — Si un général autrichien et un général français ont pu se trouver assis, l’un à côté de l’autre, à la table hospitalière du roi de Prusse et causer en bonne amitié, qui les aurait empêchés d’examiner et de discuter une question si digne d’exciter leur intérêt et leur attention ?