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qui grondent en vomissant sur eux la mort, que les Français, comme un autre orage qui se déchaîne de la plaine, s’élancent à l’assaut des positions dont ils sont décidés à s’emparer.


Mais c’est pendant la chaleur torride du milieu du jour que les combats qui se livrent de toutes parts, deviennent de plus en plus acharnés.

Des colonnes serrées se jettent les unes sur les autres, avec l’impétuosité d’un torrent dévastateur qui renverse tout sur son passage ; des régiments français se précipitent en tirailleurs sur les masses autrichiennes sans cesse renouvelées, toujours plus nombreuses et plus menaçantes et qui, pareilles à des murailles de fer, soutiennent énergiquement l’attaque ; des divisions entières mettent sac à terre afin de pouvoir mieux se lancer sur l’ennemi, la baïonnette en avant ; un bataillon est-il repoussé, un autre lui succède immédiatement. Chaque mamelon, chaque hauteur, chaque crête de rocher est le théâtre d’un combat opiniâtre : ce sont des monceaux de cadavres sur les collines et dans les ravins.

Ici c’est une lutte corps à corps, horrible, effroyable : Autrichiens et Alliés se foulent aux pieds, s’entretuent sur des cadavres sanglants, s’assomment à coups de crosse, se brisent le crâne, s’éventrent avec le sabre ou la baïonnette ; il n’y a plus de quartier, c’est une boucherie, un combat de bêtes féroces, furieuses et ivres de sang ; les blessés même se défendent jusqu’à la dernière extré-