Page:Dunant - Un souvenir de Solférino, 1862.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lons à cet égard la sublime confidence de l’une d’elles au docteur Bertherand : « La guerre m’a ravi, lui dit la marquise L…, l’aîné de mes fils ; il est mort, il y a huit mois, des suites d’une balle reçue en combattant, avec votre armée, à Sébastopol. Quand j’ai su qu’il arrivait à Milan des Français blessés, et que je pourrais les soigner, j’ai senti que Dieu m’envoyait sa première consolation… »

Mme  la comtesse Verri-Borromeo, présidente du grand comité central de secours[1], voulut constamment diriger le mouvement des dépôts de lingerie et de charpie, et sut aussi, malgré son âge avancé, trouver le temps de consa-

  1. La comtesse Justine Verri, née Borromée, est morte à Milan en 1860, laissant les plus vifs regrets chez tous ceux qui ont eu le bonheur de la connaître. — Les vastes magasins de charpie et de bandelettes, situés Contrada San Paolo, qu’elle administrait avec une haute intelligence, étaient approvisionnés par des envois considérables provenant de diverses villes et de divers pays, mais surtout de Turin où la marquise Pallavicino-Trivulzio faisait une œuvre semblable à celle de Mme  Verri à Milan.

    Genève et d’autres villes de la Suisse, comme aussi de la Savoie, expédièrent à Turin des quantités très-considérables de linge et de charpie par l’entremise de M. le docteur Appia, qui prit à Genève l’initiative de cette œuvre excellente D’assez fortes sommes d’argent furent consacrées à procurer aux blessés, sans distinction de nationalités, toutes sortes de petits secours. Mme  la comtesse de G… provoqua, dans ce but, la création d’un comité, et cette proposition, favorablement accueillie à Paris, reçut à Genève un commencement d’exécution. Depuis ce pays neutre, où les sympathies se répartissaient naturellement entre les deux armées belligérantes, on fit passer aux comités officiels de Turin et de Milan des secours qui devaient être distribués impartialement entre les Français, les Allemands et les Italiens.

    À Turin, Mme  la marquise Pallavicino-Trivulzio, si bonne, si généreuse et si dévouée, présidait le comité principal (Comitato delle Signore per la raccolta di bende filacce, a pro dei feriti) avec toute l’activité que comportait une si grande tâche. — D’autres comités avaient été constitués à Turin, dont la population s’était très-bien montrée en faveur des victimes de la guerre.