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LES MARCHANDS DE VOLUPTÉS


tigre pour fasciner les collégiens et faire battre le cœur des petits bourgeois.

Adalbret avait l’âme d’un collégien de province. Ses sens, violemment irrités par la malpropreté, la laideur et l’ivrognerie manifeste de la belle qui lui faisait un œil quasi policier, étaient au plus haut période de tension. Il lui fit signe et la suivit alors vers un hôtel borgne du boulevard de la Villette. Elle avait les talons de ses bottes si parfaitement usés que cela lui donnait une curieuse démarche claudicante.

Adalbret, devant tant de grâces, ne se sentit plus de joie. Voilà une volupté qui ne bafouerait pas l’image d’Amande, qu’il pouvait continuer d’admirer comme une icone.

Pendant ce temps, sa femme, furieuse, battait du pied dans le salon où elle avait repris sa robe de chambre rose, noire et or. Elle se disait mille injures. Quelle sottise, en effet, d’avoir épousé cet imbécile. Il devait n’avoir de goût que pour les maritornes…

Ah ! elle tromperait bien Adalbret. C’était la chose la plus facile du monde, et il n’y fallait aucun génie. Mais elle voulait au moins y trouver du plaisir, car si c’était une corvée comme le devoir conjugal, aussi bien laisser cela en place.

Pourtant il lui fallait, en tout état de cause, tirer vengeance de la conduite d’un tel mufle et de ses façons.