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LES MARCHANDS DE VOLUPTÉS


inquiète, se regardaient de trop près et mêlaient leurs genoux avec une sorte de ferveur désespérée.

L’air d’un cowboy, avec ses larges pantalons à franges, un chapeau démesuré, un énorme revolver à la ceinture et un foulard rouge au cou, un homme sautait seul en hurlant des mots barbares. Il donnait à chacun le goût de l’imiter et c’est à grand’peine que les plus gaillards, parmi les assistants, se retenaient de danser le cancan, comme au temps du bal Mabille. Bref le charme de la Sangsue opérait…

Amande vivait dans un songe de joie. Déjà elle était allée dans divers dancings, mais jamais à cette heure-ci où l’on peut, sans se faire remarquer, abandonner un peu de pudeur et de savoir-vivre. Et puis, le sentiment qu’elle avait d’être dans ce bal en fraude lui apportait une satisfaction plus douce, avec une sorte de saveur de vice, qui flattait son palais et même la peau de son corps…

Elle se promena longtemps, ne pouvant se lasser de regarder danser et converser tous ces gens que l’amour occupait très visiblement. Çà et là un jeune homme ou un personnage mûr la regardait insolemment, pour agir ensuite selon les réactions que pouvait provoquer son attitude. Là où l’on était serré, Amande sentait aussi des mains d’inconnus essayer sur elle des opérations de haute