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LES AMANTES DU DIABLE

Or, il constatait que leur sort était, il y avait tant de siècles, plus heureux que celui de ses contemporains…

Il admirait certes la fière audace de Jean Hocquin, mais surtout la belle dignité de sa compagne. Tous les deux parlaient d’ailleurs peu, et Hocquin finissait, avec sa femme même, par ne plus parler du tout.

Toutefois, Babet aimait à questionner l’inconnu et à lui demander mille choses naïves qui le troublaient étrangement.

Il aima cette intelligence ardente ouverte à tout dans une ardeur inquiète. Elle devinait parfois, et avec une sorte de lucidité bizarre, des choses qui lui étaient pourtant tout à fait étrangères. Surtout, ce qui frappa son éducateur, fut que cette femme eut comme un maladif désir de devenir riche, et que pourtant elle restât désintéressée. Il comprit qu’il y avait là, plutôt conception morale du monde, ou vœu d’équité, que de la cupidité.

Un jour elle lui appartint. Il aima cette chair dure et tendue sur une ossature robuste. Il admira cette passion audacieuse qui soulevait le corps aux innervations effervescentes. Surtout, l’émerveillait l’espèce d’enthousiasme sacré avec lequel cette femme obscure se donnait. On eût dit qu’elle accomplissait un rite religieux.

Et il songea aux prostitutions sacrées des temps