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LE SABBAT

Mais, au moment où, au comble de la jouissance et de la douleur ensemble, elle allait crier sa haine et son horreur, elle sentit comme un fil doux et soyeux, qui passait dans ses vertèbres et caressait au fond de son corps crispé des organes sensibles et secrets.

Elle se tut. Le plaisir la secouait atrocement, un plaisir encore inconnu, et qu’il fallait toute son attention pour suivre, tandis qu’il se ramifiait dans ses nerfs ; un plaisir léger et si délicat qu’on tremblait toujours qu’il ne disparût en s’épanouissant.

Elle crispait toute sa sensibilité pour suivre cette efflorescence exquise au fond d’elle-même.

Son cerveau devenait le siège d’une satisfaction sucrée et lente, qui semblait passer comme une brise printanière, on eût dit un vent doux qui ramasse, en frôlant les fleurs, leurs fragrances délicates et subtiles pour les rendre conscientes.

Oh délices ! Babet voulait mourir pour immobiliser ce moment miraculeux. Les yeux clos, elle gémit de crainte, à l’idée que sa vie pourrait l’abandonner au centre d’une si prodigieuse volupté.

Mais elle sentit soudain un coup violent sur son front, elle crut qu’on lui râpait la poitrine avec une corne écailleuse. Elle poussa un cri de souffrance et roula à terre comme un paquet jeté.

Elle ouvrit les yeux. Satan était disparu, le trône aussi. À l’orient le jour pointait, et, très loin, on entendait le cri sonore d’un coq.