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L’exécution était récente. Ma curiosité satisfaite, j’allais repartir, quand, au pied même de l’arbre sec, d’un fossé herbu, je vis sortir… un homme âgé, débraillé et pustuleux, qui se sauva follement, et une femme, les seins à l’air, la jupe mal tenue, les cheveux fous, et pieds nus.

Je la regardai avec colère. Elle était très jeune, jolie, avec un grain de beauté curieusement placé à l’angle droit de la bouche.

— C’est elle !

— Vraiment, on a beau en avoir vu et vu, durant cette guerre, et moi plus que tous les autres, en cet office d’agent secret — disons espion. On a beau être blasé, on garde l’idée de certaines impossibilités. Cette jeune et jolie femme se donnant à ce vieux monstre, et cela sous un pendu, avec, devant les yeux, durant l’acte, la grimace immonde et répugnante d’un corps sans vie balancé par le vent, vrai, ça m’a dégoûté. Peu s’en fallut que je sortisse mon mauser pour exécuter — en guerrier qui règle tout les armes à la main — cette femme immonde.

La voyez-vous prenant du plaisir sous ce cadavre déjà…

C’est à vous rendre définitivement l’amour hostile et répugnant.

Par malheur, le mauser fait du bruit. Toutes armes à feu aussi. Et puis, je ne suis pas bourreau…

Tout de même, je vins à la donzelle et lui dis en magyar :

— Malpropre garce, ne peux-tu aller ailleurs faire ton métier ? La mort est à respecter, même d’un bandit…

Je ne terminai pas mon discours. D’une voix harmonieuse, où je reconnais d’ici la leçon de notre amie, cette façon chantante et douce d’articuler les fins de phrases, elle me répondit…

Et cette réponse m’apparut monstrueuse jusqu’ici. Mais on nous a expliqué Ida Effreazy. Dans les trois mots qu’elle me jeta à la face, je la reconnais avec ses instincts : haine et salacité, mépris, sadisme, orgueil, sentimentalité, peut-être, et amour, un amour étrange et aberrant.

Ses yeux de chien-loup rivés aux miens, elle désigna le pendu avec un geste intraduisible de possession :

— C’est mon amant !