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— Comment cela ? Pourquoi cela ?

Il rit avec lourdeur.

— Je sais depuis longtemps qu’elle ne devait pas retourner dans son pays.

— Qui pensait cela ?

— La Princesse l’avait dit. Atko la connaît depuis une demi-année. La Française a beaucoup empêché Atko de voir la Princesse. Il nous disait beaucoup de choses et voulait se venger. Il assurait que la Française était méchante et menaçait toujours que son pays enverrait des soldats chez nous.

Je cherche à comprendre, derrière tout cela, la trame du complot dirigé par Ida et son amant contre moi.

— On disait que la Française donnait des coups de pied aux mendiants. Tous betyars sommes mendiants à l’occasion. Elle avait tous les betyars contre elle. Mais un jour, à Füred, elle m’a fait l’aumône et j’ai deviné qu’on mentait. Aussi je l’ai guidée quand je l’ai trouvée, et amenée ici.

Les phrases lentes de cet homme contiennent une âpre et douloureuse réalité. C’est une aumône de Füred qui me sauve la vie.

Ainsi, j’avais vécu un an dans ce pays, croyant comprendre son peuple et mes familiers. Or, j’ignorais tout.

Ida Effreazy m’était murée. Je croyais avoir les données d’un jugement sur les brigands et je ne soupçonnais non plus rien d’eux. Ma psychologie si bien bâtie s’effondrait. Je suivais, dans le dédale de mes raisonnements, l’idée d’une unité mentale qui fuyait sans cesse. Cette race m’était plus fermée que jamais. L’homme crut lire sur mon visage une émotion vague. Il me dit encore.

— Ma sœur française n’a rien à craindre. Je la servirai comme elle voudra. Si elle est en danger, je le suis comme elle.

J’éclatai :

— Mais, enfin, d’où vous vient cette amitié pour moi, la seule que j’aie connu en ce pays, la seule ?

sérieux, le brigand répondit :

— Je suis betyar. Mon père était betyar. C’est lui qui trouva ce gîte et me le légua. Mais mon grand-père fut avec Kossuth voici bien des années. Mon père m’a toujours parlé de lui. Il m’a appris à lire. Et je