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vois diminuer et disparaître la fenêtre du gîte des betyars. Encore un coup de revolver, puis un autre. Et je ne connais plus rien. Nous sommes en plein mystère forestier.

— Ma sœur française ne s’est pas défendue. Il faut être armé et se battre.

Je réponds doucement :

— Je n’ai rien !

Mon compagnon s’arrête.

— Monter sur mes épaules et s’y tenir tête bien basse. Beaucoup de route à faire pour sortir de ce pays où les amis d’Atko nous chasseraient. Ils aiment tuer.

Me voilà sur les épaules de l’homme. Mes jambes pendent sur sa poitrine. Je rentre la tête dans les épaules pour éviter les branches. Lui marche d’un pas long et sûr. Il connaît sa route à des signes que je ne devine ni ne comprend. Quelle science de l’orientation !

Cette course dure trois heures au moins. Il fait froid. Enfin, une clarté jaune se lève à ma gauche et je devine l’aurore. Nous marchons vers le sud. Je songe avec une curiosité passionnée à cette nuit fantastique. Quel étrange caractère ont ces hommes qui discutaient de ma féminité comme d’une pièce de bétail, ne m’ont pas même volé ma bague et se sont battus à mort pour et contre moi ! Honnêteté, politesse, pruderie familière, férocité et dévouement sont vertus assez rarement groupées chez les outlaws.

Bientôt mon « porteur » ralentit le pas. Il cherche. Je le vois tâter du pied, aller à gauche et à droite avec prudence, puis enfin reprendre un chemin en zig-zag qu’il suit avec précaution. Cela dure deux cents mètres. Nous sommes devant un inextricable massif végétal. Il s’arrête.

— Descendre.

Je descends. Je commençais à sentir la fatigue d’une marche que je ne faisais pas.

Il me prend par la main, me mène à un arbre énorme et dit :

— Passer dedans.

En même temps, il enlève une sorte de panneau.

L’arbre est pourri et creux. Il a peut-être mille ans. Je glisse à travers et me trouve en tâtonnant dans une cabane placée derrière et qui doit être inabordable de tous autres côtés.