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Atko cherche à se dégager. Le betyar riche vient se mêler au groupe.

— Ils ont raison ! Rentre ton coutelas. La Française est sous notre

protection.

— La princesse a dit : Tue !

— Les betyars de Bakony ne reçoivent jamais d’ordres.

— Atko, d’une lointaine détente de poignet, essaye de m’atteindre au ventre, par un coup violent et allongé.

Celui qui m’a recueilli détourne le jet du métal. Le pouilleux s’écrie :

— Pas de sang ici !

— Atko a raison. La Française est à lui !

Celui qui parle, cette fois, est un des deux hommes qui dormaient à ma venue.

Tout le monde est là, maintenant, pressé autour de moi. Deux camps se forment, pour ou contre ma vie.

J’entends des insultes. Bientôt la colère déforme les voix et je ne saisis plus l’argot échangé, mais le ton s’élève et, brutalement, je vois deux bras armés se croiser, tandis qu’une hache me frôle, lancée par un de ceux qui prennent parti pour Ida.

Je saute à terre et vois la fermeture des volets. J’enlève déjà la clinche quand, à un pas, un de mes défenseurs s’effondre, un couteau enfoncé en pleine gorge. Je m’écarte avec horreur. Atko se défend contre le betyar pouilleux et mon sauveteur de la forêt brandit une sorte de tranchoir ayant l’aspect d’un poing américain. Il fend le visage d’un homme et repousse Ida, qui venait, armée, au long de la cloison : « Non, Princesse, non ! »

Je vois encore un homme tomber. Ami ou ennemi, qui sait ? Mais j’ouvre les volets au moment où mon guide me crie :

— Dehors !

J’escalade la fenêtre et, d’une détente, je saute. J’entends deux cris, puis un aboi féroce, et un appel d’Ida entouré de jurons.

Une ombre passe à son tour par la fenêtre, je suis prise par les reins et les jarrets et l’on m’emporte, tandis que retentissent sèchement trois coups de revolver.

Celui qui m’a amenée chez les brigands me sauve d’eux. Il court vélocement, avec une prodigieuse sûreté, dans la nuit pleine. Il connaît la forêt comme un appartement. Sur son épaule, tête tournée en arrière, je